Y’a quoi au ciné ? La sélection du Bonbon Nuit – Atmopshère, Atmosphère

undefined 22 mars 2023 undefined 18h21

Pierig Leray


Le fantôme du deuil, l’amour du disparu : Eternal Daughter

C’est l’histoire d’un film tourné en catimini au temps du Covid, une idée de Tilda Swinton glissée à l’oreille de Joanna Hogg, elle pourrait jouer les deux rôles, la mère face à sa fille, dans cette courte nouvelle de fantôme au fin fond brumeux de l’Angleterre. Au-delà de la beauté de son esthétisme comme figé dans le temps, et de la grâce théâtrale de Swinton, Hogg image métaphoriquement le processus du deuil à travers ses souvenirs, le rattachement au détail d’une vie résolue, le regret des mots jamais prononcés, l’agacement des traits de caractère, le bonheur des mémoires naïves, la détresse des souffrances. En somme, une forme d’acceptation d’une vie résolue. Rare sont les metteurs en scène capable de tant d’épure, de minimalisme scénique foudroyant (un bruit de fenêtre, une ombre derrière une vitre, un chien qui s’évade) pour dire tant : l’amour univoque d’une fille pour sa mère, et son chemin pour s’en affranchir. Une forme d’élégance (cette apposition de la main de la fille sur celle de la mère qui s’éteint) dans une composition au twist évident, mais magistralement amené.

Pourquoi il faut y aller : Pour comprendre que la beauté d’un film se résume souvent à des détails
Mais d’un autre côté Trop d’épure tue l’épure ?

The Eternal Daughter de J. Hogg
Sortie le 22 mars


La paranoïa de la dictature, la résistance silencieuse : Chili 1976

Une autre histoire de mère, celle d’une bourgeoise chilienne bien heureuse d’être du côté des riches du temps de la dictature de Pinochet fin des années 80. Sa vie bascule presque forcée lorsqu’un prêtre lui demande par charité chrétienne d’aider un réfugié politique communiste, en proie à d’ardentes recherches par la gestapo locale. Par l’agressivité de sa bande-son, son atmosphère paranoïaque pesante et hitchcokienne, Martelli dessine la férocité de la dictature pinnochetiste par une juxtaposition suggestive d’images (la peinture rouge communiste mêlée au bleu du régime, le rouge apposé en signe de résistance sur la façade d’un mur puis dans le gâteau d’anniversaire de son fils), une tension au liseret de l’horreur, une sensation de cauchemar au ralenti et cette fameuse incapacité de s’enfuir, empêtré dans des jambes cotonneuses, tout comme cette Carmen qui semble scellée à son sort. Toute la réussite du film est bien là, dans la pesanteur de sa mise en scène, sensitive et asphyxiante, à l’instar d’une dictature chilienne qui le fut pour un peuple agonisant sous la terreur. 

Pourquoi il faut y aller : Pour cette tension quasi horrifique qui nous plonge dans la terreur de la dictature
Mais d’un autre côté Là encore un certain sens du minimalisme qui peut être déceptif

Chili 1976 de M. Martelli
Sortie le 22 mars


L’expropriation de la terre, la quête du sauvage : Los Reyes del Mundo

C’est une bande de gamins, délaissés dans les rues dépravées de Medellin, la calle en seul repère d’une trajectoire qui les destine à ne jamais la quitter. Puis un espoir, celui d’une terre en héritage à l’un deux, une parcelle abandonnée qui enclenche une croisade vers le terre promise dans une campagne colombienne impitoyable. La violence citadine qu’ils imaginaient quitter va très vite les rattraper par la jungle et sa nature, le déchainement des hommes, l’inégalitarisme inhérent à leur condition de pauvre. Ce lopin de terre qu’ils fantasmaient en une terre égalitaire où les hommes seraient libres et sauvages va rapidement leur échapper. Rien n’est dû, tout est acheté, la propriété ne sera jamais la raison du pauvre mais toujours la valeur du riche. Beauté plastique et esthétique, fond implacable et sans espoir, Los Reyes del Mundo est un grand film qui marque par son antinomie image/message, magnificence photographique en opposition à la dégeulasserie inhumaine de sa lecture.

Pourquoi il faut y aller : Pour ce vent libertaire dégagé par ce groupe de survivants, et la violence et l’horreur de la réalité, elle, liberticide
Mais d’un autre côté… Certains crieront au cliché, et à la facilité de son propos. Ça peut s’écouter.

Los Reyes del Mundo de L. M. Ortega 
Sortie le 29 mars