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C'est quoi le problème avec Athena de Romain Gavras ?

undefined undefined 26 septembre 2022 undefined 18h24

undefined undefined 28 septembre 2022 undefined 13h16

Louis Haeffner

On a tôt fait de toujours reprocher aux films de Romain Gavras la même chose : ils seraient formellement très intéressants, pour ne pas dire vraiment canons, mais manqueraient de profondeur scénaristique.

Ici c'est pire, non seulement le "scénario" (je mets des guillements parce que je ne suis même pas sûr qu'on puisse appeler ça comme ça) ne présente aucun intérêt, mais en plus la mise en scène se résume à une série de plans-séquences, toujours les mêmes, mis bout à bout et entrecoupés à de rares moments par ici un ralenti, là un plan d'ensemble. En gros c'est un type qui marche dans une cité qui brûle, filmé à hauteur d'épaules soit de face soit de dos, mais là où le procédé devrait plonger le spectateur dans cette « zone de guerre permanente » – sympa cette vision de la banlieue ! –, il ne parvient qu'à esthétiser avec une distance toujours plus grande une situation qui devrait nous prendre aux tripes. Trop de formalisme occulte donc ici ce qui doit toujours faire le sel d'un long-métrage, je veux bien sûr parler de l'émotion. 

À défaut de la trouver dans la réalisation, on pouvait espérer ressentir un peu quelque chose à mesure que l'histoire avance. Malheureusement, la meilleure scène, la seule d'ailleurs qui ressemble un tant soit peu à ce qu'on pourrait assimiler à "du cinéma", c'est l'ouverture, très réussie. Le seul enjeu du film y est dévoilé, par le seul acteur qui s'en sort à peu près (Dali Benssalah, BG) : son petit frère a été victime d'une bavure, il est mort, et la cité entière est sur le point d'exploser, dirigée par son autre petit frère. Un troisième frère, plus vieux, interviendra plus tard dans l'histoire sans qu'on comprenne jamais l'intérêt de son personnage, sorte de marchand d'armes repenti/indic de la BAC. Tout est dit, il n'y pas de scénario, juste une situation de départ qui dégénère, le reste du film se focalisant sur l'action, qui se résume plus ou moins à des coups de pieds dans des CRS et des cocktails molotov qui volent au ralenti. 

Dès lors, quel est le propos ? Je cherche toujours une réponse à cette question, la plus importante quand on produit une œuvre cinématographique. Là où des films comme Les Misérables ou, dans une moindre mesure, BAC Nord, soulèvent des questions sociétales sur le fonctionnement des banlieues de France mais surtout les conditions de leur établissement, Athena ne s'attache qu'à fantasmer une guerre civile qui nous pendrait au nez, et à en tourner une sorte long clip descriptif sans enjeu autre que de montrer la violence qui couve et l'abrutissement qu'elle engendre. Étonnant pour un réalisateur qui a toujours été fasciné par la banlieue, et qui se pose habituellement comme l'un de ses défenseurs… 

Le film Netflix suit donc l'exemple donné par beaucoup de leurs autres productions ciné : une coquille vide à peine jolie qui séduira peut-être le spectateur ayant besoin d'un fond visuel et sonore pour meubler son ennui. Les autres, passez votre chemin. 


Athena
, de Romain Gavras

Disponible sur Netflix