Chronique cannoise #4 : Résurrection, serial killer et dragouille

  • Pierig Leray
  • Ciné-Séries
  • Publié le 23 Mai 2022 à 09h50
© Pierig Leray

Comme chaque année, votre fidèle serviteur Pierig Leray, as du ciné, se rend au Festival de Cannes pour nous en faire vivre une expérience quotidienne, fouiller les salles à la recherche du film qui marquera son année, la Croisette et les esprits de celleux qui font le cinéma d'aujourd'hui. Quatrième épisode d'une aventure en 7 chapitres, avec le retour des grands sur les marches.

24 balles un croissant aride, un jus coupé à l’eau et une omelette trop cuite – le fist du Festival –, et ça fait mal. Et pourtant, si rare d’avoir le temps d’un petit-déjeuner au calme et en terrasse. Le sentiment d’avoir joué le touriste asiat’ à Paris. On se casse. La plage Nespresso pour un second café, une yogi qui gueule sur des élèves transpirantes et leurs tapis fourrés dans le sable, et cette humidité nouvelle qui va faire coller de la chemise en lin cet aprem. On repart avec un nouveau détour du côté de la Semaine de la critique avec Nos cérémonies de Simon Rieth. Et c’est un peu léger. Un premier film avec son lot d’idées mal calibrées, d’inspirations trop fournies (Kechiche, Trier), et un fourre-tout indéniablement sincère et total, mais trop éparpillé pour créer une première œuvre singulière. La mort est ici source de vie, remake moderne de Blanche-neige où le baiser d’un frère le ressuscite indéfiniment jusqu’à ce que les « cérémonies » ne cessent et finissent par dévitaliser un corps meurtri par une mort au départ salvatrice. Prometteur certes, mais trop brouillon, et malheureusement pas très bien incarné avec un duo d’acteur amateur trop léger.

On enchaine avec un retour en sélection officielle, et Holy Spider de Ali Abbasi. Il y a je crois des manières bien plus cérébrées d’interpeller par le choc, pouvant lui même être multiple : visuel, métaphorique ou verbé. Avec Holy Spider, tout est souligné, appuyé, zoomé. La première partie très conventionnelle (le côté enquête du thriller policier) est convenue mais relativement anodine, la seconde est elle plus trouble, voire nauséabonde à filmer la légitimité du meurtre, jusqu’à son mimétisme par les enfants du tueur. Glauque, et finalement pas porteur, à part un sentiment d’affichage malsain de l’horreur. Trop lourd pour interroger, trop simple pour stimuler un suspens et une tension nerveuse, il ne reste donc plus grand chose de ce tueur à l’araignée.

Lorsque j’ai appris que Don Juan était une comédie musicale, j’ai vacillé, inquiété par une peur de l’imbitable. Mais Serge Bozon a retourné mon opinion aveugle de départ, et notamment par sa mise en scène époustouflante, Chamfort amène une délicatesse poétique au milieu du duo Rahim-Effira incarné, vivifiant. Tout est parfaitement dosé, les compositions sont superbes, le texte brillant, et la lecture contemporaine de ce séducteur bancal le rend pathétique et profondément seul, antipathique face à la lumière qu’est Virgine Effira, la sagesse d’Alain Chamfort. Et pourtant, le dernier regard caméra nous rappelle que rien n’est jamais aussi simple que d’apparence avec nos sentiments.

Pour finir la soirée, on se trouve une jolie table en bord de mer à la plage Miramar, avec un coup de cœur non retenu pour Chri-chri le sommelier, et le serveur fumeurr de beuh. La tête virevolte, la motivation tangue mais nous pousse jusqu’au Silencio. Et c’est Serge Bozon lui-même qui s’attaque au son avec une ribambelle de garage rock à faire pâlir tout ado boutonneux à bracelet de force au poignet. Ni très bon, ni très fun, on décide de partir, finir par une tropézienne bien fourrée à la crème et un Amaretto en terrasse. La soirée s’éteint dans un ventre tendu, les yeux qui se ferment. Vite, à demain.

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