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Chronique cannoise #9 : Reconstruction, Western et Bilan

undefined undefined 23 mai 2025 undefined 15h00

Pierig Leray

On commence très tôt, trop tôt, à 8h45 pour découvrir le film Sorry, Baby de Eva Victor en clôture de la Quinzaine des cinéastes. Les années s’égrènent depuis que Agnes s’est fait violer par son maître de thèse, et Eva Victor dont c’est le premier long métrage se concentre sur des anecdotes de vie jonchant ces années de reconstruction et focalisant son regard sur la profonde amitié d'Agnes avec Lydie, partie vivre à New York mais toujours présente pour épauler son amie de toujours. L’humour et la fausse légèreté de ton n’édulcorent évidemment pas la gravité du sujet, bien au contraire, il rend cette reconstruction bien plus humaine, réelle, ancrée dans le présent et l’instant, celui qui compte lorsque la voie d’un semblant d’apaisement se bâtit par le jour le jour, la cicatrice béante et suintante trouvant un semblant de soulagement par le temps et l’amour naissant (notamment avec Gavin, son voisin). La qualité première de Sorry, Baby est dans sa mesure, cette capacité remarquable de Victor à ne jamais trop en filmer, trop en montrer, être dans un hors-champ qui résonne, et un ton qui sait dédramatiser sans jamais minimiser. Une clôture de Quinzaine réussie.

Elle est là, l’ultime séance avant le départ anticipé, et ce sera avec la sélection Un certain regard et Pile ou face ?, film italien de Matteo Zoppis et Alessio Rigo de Righi. Il y a tout d’abord un réel plaisir à retrouver Nadia Tereszkiewicz à l’écran, associée à John C. Reiley en merveilleux Buffalo Bill, dans ce western italien relativement convenu, avec une trame scénaristique tenue mais prévisible. Le problème principal est que le film reste enfermé dans son postulat de départ (le film hommage), et ce malgré quelques sursauts d’inventivité (de mise en scène notamment avec cette tête découpée du corps qui se met à parler, et de thématique avec l’émancipation du rôle féminin, lui qui est généralement réduit au second plan dans l’ensemble des westerns passés). Alors certes le film est loin d’être déplaisant, mais semble soufflé par un manque d’incarnation, la psychologie de ce beau personnage féminin de Tereszkiewicz ne dépasse jamais sa propre image de femme révoltée et indépendante, le film file alors dans un élan de superficialité, et l’ennui gagne dangereusement du terrain jusqu’à cette fin bancale qui achève l’échec relatif du film. Les quelques scènes d’action tombées du ciel n’arrivent pas non plus à redresser la barre.

Sur cette note finale en demi-teinte, il est temps de partager avec vous notre palmarès personnel. Le véritable, lui, sera annoncé ce samedi 24 mai. Cannes s’achève donc dans l’épuisement le plus total, mais aussi dans une forme d’allégresse, celle d’avoir pu découvrir une trentaine d’œuvres pour la plupart réjouissantes, de vous les avoir fait partager à notre manière et cette brindille de mauvaise foi caractéristique, la fête, les réveils difficiles, la mal-bouffe, les sommeils impossibles, les déceptions, les enflammages, on est heureux que ça se termine, mais aussi persuadé que demain, la nostalgie gagnera du terrain. Et cette promesse systématique d’être là, quoi qu’il en soit, quoi qu’il en coûte, l’année prochaine.


Palmarès Cannes 2025 du Bonbon Nuit

Palme d’or : Sirât de Oliver Laxe
Grand Prix du jury : L’agent secret de Kleber Mendoça
Prix du jury : Valeur sentimentale de Joachim Trier
Prix du scénario : Carla Simón pour Romería
Prix de la mise en scène : Wes Anderson pour The Phoenician Scheme
Prix de la meilleure actrice : Yui Suzuki dans Renoir de Chie Hayakawa
Prix du meilleur acteur : Tahar Rahim dans Alpha de Julia Ducournau