Chronique sur la Croisette #7 : Clap de fin

undefined 26 mai 2023 undefined 10h12

Pierig Leray

On attendait un chef-d’œuvre, Bellocchio le titille. Rapito ("enlèvement" en italien) raconte une période trouble de l’Italie papale, ou Pie IX kidnappait des jeunes enfants juifs pour les convertir de force au christianisme. L’unique solution des parents pour les récupérer était d'eux aussi se convertir et de délaisser le judaïsme. On suit l’histoire vraie de Edgardo, de son enlèvement à Bologne à son internement dans une école religieuse à Rome, jusqu’à sa vie d’adulte, 10 ans plus tard. Tout d’abord la photographie, absolument sublime, le jeu de lumières dans ce Rome de l’époque est somptueux, le cadrage millimétrique, pictural, en démonstration de force. Puis la mise en scène, et là Bellocchio en est maître, et l’associe à un jeu du son et de la musique dément, qui se marie idéalement à l’action avec tonitruance, accentuant les effets démonstratifs, la violence à l’écran ou encore la torture de l’esprit que subit le petit Edgardo par ses effets sonores. Comme dans le film de Glazer, l’utilisation du son est ici fabuleuse, et primordiale dans la réussite implacable du film. Au- delà donc de sa réussite formelle, le film résonne tout autant avec une lecture contemporaine des dérives religieuses : endoctrinement des plus jeunes, lavage de cerveau religieux et détournement de ses messages, la toute puissance sectaire, l’importance de l’éducation, la violence de son absence, et les dérives des croyances. Rapito est un coup de maître que l’on espère primé samedi.

Même pas le temps d’une dernière bouffe cannoise à 30 balles le ceviche que le départ s’amorce. Et en tête, les folles réussites et les rageuses déceptions. Voici donc notre palmarès souhaité, nos mentions spéciales et les gros flops de cette semaine cannoise :

Palme d’or : Zone of Interest de J. Glazer
Grand prix du jury : Rapito de M. Bellocchio
Prix du jury : Les feuilles mortes de A. Kaurismaki
Meilleure actrice : N. Portman dans May December de T. Haynes
Meilleur acteur : D. Celiloglu dans Les Herbes sèches de N. B. Ceylan
Mise en scène : Wes Anderson pour Asteroid City

Nos flops, la catastrophe Jessica Hausner qui s’imagine disruptive avec son Club Zero mais qui se vautre dans la vacuité de son propos, là aussi le faux-film "générationnel" How to have sex hyper décevant, et finalement assez rétrograde, sans oublier la grosse déception Banel E Adama que l’on attendait si haut, et qui finalement s’est planté par son manque de clarté.

Nos deux gros coups de cœur hors compétition, évidemment la fresque amicale de Victor Erice Cerrar los Ojos (avec un petit scandale en prime, il a appris sa non-sélection en compétition le jour de l’annonce, raison de sa non-venue lors de la première du film, coup de gueule contre Thierry Frémeaux) et l’immense dernier film de Martin Scorsese Killers of the Flower Moon. Avec en clin d’œil, Le livre des solutions de Michel Gondry, comédie hilarante avec un Pierre Niney en roue libre.