Leslie et Renard sont grave potes. Alors quand le premier demande au second de l'accompagner récupérer un bail à Saint-Rémy-lès-Chevreuse, celui-ci n'hésite pas une seconde et saute joyeusement dans le premier RER B venu. De toute façon il avait pas grand-chose d'autre à faire. Une fois sur place, le contact de Leslie peine à se manifester et le RER ne circule plus dans l'autre sens, impossible de rentrer au quartier ; qu'à cela ne tienne, les deux amis entament une balade champêtre, le temps de fumer un gros joint. Alors qu'ils devisent sur l'avenir du Grand Paris Express dont ils sont en train de visiter un chantier, Renard aperçoit au fond de l'eau un étrange artefact, dont il se demande immédiatement s'ils ne pourraient pas en tirer une grosse somme d'argent. Dès lors, nos deux compères se lancent dans une véritable quête, pour découvrir la vérité sur leur trouvaille d'abord, mais qui s'avérera finalement une quête existentielle qui leur révélera bien des choses sur eux-mêmes.
Martin Jauvat, qui joue lui-même le rôle de Renard, compose donc son métrage comme une sorte de road trip francilien où l'errance et la nuit jouent le rôle de révélateurs, sacrifiant ainsi avec un humour souvent proche de l'absurde à la tradition éminemment cinématographique du voyage initiatique. De rencontres fortuites en lieux insolites, les deux amis de toujours vont dévoiler petit à petit une certaine individualité, comme si leurs destins personnels devaient irrémédiablement finir par primer sur leur entité commune. Mais avant d'en arriver là, c'est bien le contenu des conversations, tout autant que la nature des différents personnages qui les tiennent, qui interpèlent par leur désopilante étrangeté. Avec cet aréopage pour le moins interlope composé – entre autres – de jeunes de banlieue, d'un apprenti complotiste et d'un livreur de sandwichs chauds, le jeune réalisateur dresse le portrait drôle et léger d'une jeunesse désœuvrée qui semble perdre pied avec la réalité mais qui, en définitive, fait de la solidarité et de l'affection mutuelle les piliers d'un bonheur qui prime sur l'idée qu'on se fait de la réussite.
Mais rien ne nécessite d'aborder Grand Paris avec le sérieux par trop risible que nous venons d'y mettre. Il serait d'ailleurs bien plus à propos d'en faire l'éloge pour l'insondable impression de déconne qui le traverse de bout en bout, et d'ainsi rendre compte de l'hilarité générale qui traversait l'auditoire lors de la projection à laquelle nous avons assisté. Car si l'intention et le fond en font un vrai film existentiel, c'est surtout les vannes et les attitudes de ses héros, mais aussi une photographie nocturne soignée, qui le rendent si original et irrésistible. Une chose demeure certaine : un cinéaste est né, et on a hâte de suivre son évolution.
Grand Paris, de Martin Jauvat
Avec Mahamadou Sangaré, Martin Jauvat, William Lebghil
Sortie le 29 mars