Pétasse romantique ou déesse démoniaque, diva trash ou gangster, Holybrune occupe tous les rôles. Dans ses clips, ultra-glam et clinquants – signés SJD (Sérapis Joël Diras) -, elle révèle ses plus bas instincts. « Il y a une part de fantasme bien sûr, modère-t-elle. Mais ça me correspond, je ne m'invente pas une vie ! » Elle s'impose avec un style radical, un brin provoc', parfois violent. Comme sur le refrain de Ainsi Soit-Il : « C'est ainsi que je danse, prends la musique dans les dents ! » « C'est une réponse aux haters, je suis fatiguée d'essayer de me fondre dans le moule ! » Derrière ses yeux de biche et sa voix enjôleuse, on devine un caractère impulsif. « C'est des sentiments que j'ai besoin d'extérioriser dans mes vidéos. Ils sont évidemment poussés à l'extrême puisque je ne braque pas des épiceries dans la vie réelle (rires) ! »
Ado, elle voue un culte aux princesses Disney, Pocahontas en tête, pour son côté fier. Pas si surprenant quand on y pense ! Son caractère fort, Holybrune le tient de son éducation. Elle est l'aînée d'une famille recomposée de cinq enfants : « Je suis la grande sœur. Je me dois de leur montrer l'exemple. Il faut s'endurcir pour avancer dans la vie ! » Bonne élève, plutôt sage, elle est titulaire d'un master en marketing, un bagage indispensable « y compris dans le monde de la musique ». Née en Picardie, d'un père mélomane et d'une mère au foyer, ancienne choriste d'Henri Salvador, elle a grandi dans l'Oise avant d'emménager en banlieue parisienne quand elle avait 13 ans. De la génération 2.0, elle se passionne autant pour le r'n'b des années 90 – Musiq Soulchild, Aaliyah et les Destiny's Child – que pour la variété française – Michel Polnareff, Alain Souchon et Mylène Farmer. Incapable de trancher !
Sur son nouvel EP, Pandémonium, elle vampirise le rappeur américain Jonah Cruzz, l'entraînant dans les bas-fonds des nuits parisiennes, où le r'n'b drague le rap et l'électro-pop. « Je n'ai pas l'âme d'une rappeuse, confie-t-elle. C'est une grosse prise de risque et je n'ai pas la technique. Un jour peut-être. » Depuis ses débuts, elle peut compter sur le soutien indéfectible du producteur David Saïd aka Dabeull, qui compose ses chansons. Une rencontre décisive qui l'a encouragée à monter son projet il y a trois ans. Elle a d'abord commencé par collaborer à ses productions en anglais puis sa plume s'est aiguisée, en français. « Il m'a donné confiance en moi, ajoute-t-elle. Ça n'a pas été facile de trouver quelqu'un avec qui je sois en phase. J'avais déjà travaillé avec des beatmakers, mais ça n'a jamais rien donné. C'était une excuse pour me draguer ! » Une expérience regrettable pour la jeune femme.
Dans ses nouvelles chansons, elle règle ses comptes tout en revendiquant le pouvoir de sa sensualité, comme Abra ou FKA Twigs. Une génération de femmes artistes « dans l'air du temps » jouant de leurs corps et assumant leur féminité. « C'est une manière pour les femmes de s'émanciper, dit-elle. Je n'ai pas peur d'être sexy ! » Elle cite Lena Dunham de la série Girls comme référence. « Elle ose montrer son corps même si elle n'a pas la taille mannequin. Je suis comme elle, je prône le naturel. » Féministe mais pas engagée – « je ne veux pas non plus faire la guerre aux hommes », elle réclame plus d'égalité sur le titre JFS (pour "Jeune Femme Sympathique"). « Aujourd'hui, les filles utilisent Tinder et consomment l'amour comme les mecs mais elles sont jugées pour ça. Ce n'est pas normal ! » Sur scène, elle s'imagine jouer les grandes prêtresses dans une messe noire dont elle serait le seul guide spirituel. Les hommes n'auront qu'à bien se tenir.
Girl power !
Par Alexandra Dumont, extrait du Bonbon Nuit n°71 - Février 2017