Portrait ciné : Frankie Wallach, la belle découverte du Livre des solutions

undefined 13 septembre 2023 undefined 11h53

Louis Haeffner

Elle débarque à Vins du matin, un tout nouveau bar à vin très sympa du quartier Max Dormoy, à l'heure, très animée et souriante, et prend comme moi, un kombucha. On commence par parler vin, parce qu'on est chez son fournisseur officiel et que je lui fais remarquer qu'il y en a pas mal dans son premier film, Trop d'amour. Elle me répond avec un naturel désarmant : « J'adore le vin, mais j'y connais rien. Et j'en bois beaucoup. » Ok, on devrait pouvoir s'entendre.

Issue d'une famille où tout le monde bosse dans la mode, Frankie n'était pas prédestinée à faire du cinéma. Elle commence pourtant sacrément tôt, vers 8 ans, pour faire comme une de ses copines qui fait du mannequinat. Une chose en amenant une autre, elle se retrouve à jouer dans un court-métrage avec Michel Jonasz et Emmanuelle Devos ; ses parents lui racontent encore qu'à l'issue de cette première expérience, elle a déclaré vouloir « faire ça ». Et effectivement, on l'imagine parfaitement, à 8 ans, les poings serrés et les sourcils froncés, s'écrier avec emphase « c'est ça que je ferai plus tard ».

20 ans et des projets en pagaille plus tard, la promesse que cette gamine avait faite au monde est tenue. Elle évolue dans le milieu du cinéma comme son personnage de footballeuse (dans Marinette de Virginie Verrier) évolue au milieu du terrain ; elle file des coups d'épaule pour s'imposer mais me confie que pour elle, sur le plateau, ce n'était pas naturel du tout. Normal après tout quand on fait croire qu'on fait du foot pour obtenir un rôle alors qu'on n'a jamais tapé dans un ballon. Mais comment lui en vouloir ? Ses petits arrangements avec la vérité et certainement son sourire ravageur permettent à Frankie de se retrouver, à 28 ans, à l'affiche de deux films cette année, et de continuer en parallèle un travail d'écriture qui a débouché en 2020 sur un premier film très réussi, Trop d'amour, une auto-fiction familiale virtuose et émouvante. Là aussi, Frankie marchait sur un fil tendu au-dessus du vide, mais il semble que le funambulisme soit pour elle une sorte de discipline existentielle.

Pour Le livre des solutions, elle a passé des semaines à discuter tracas du quotidien via FaceTime avec Michel Gondry sans jamais savoir qu'elle avait le rôle. Frankie fait partie de ces personnes qui pensent que le destin se provoque, mais ne se force surtout pas. Elle a raison. Ainsi quand le réalisateur du mythique Eternal Sunshine of the Spotless Mind l'a facetimée pour le rôle de son assistante dans son nouveau film, et qu'il a commencé à lui expliquer qu'il avait du mal à dormir à cause de ses problèmes de dos, qu'il y avait une fuite dans sa toiture, qu'il lui a parlé durant des semaines de tout sauf de son rôle, elle a mis sa casquette de fan et a écouté religieusement. Là encore elle a eu raison, Michel — « il est trop mignon Michel », me confie-t-elle les yeux brillants — l'avait tellement kiffée qu'il la prenait de fait pour son assistante.

Quand fiction et réalité se confondent, Frankie est dans son élément, et elle fait tout pour y rester. C'est comme ça qu'elle envisage son métier, et c'est probablement pour ça aussi qu'elle ne peut s'empêcher d'avoir plusieurs projets sur le feu. Écrire des films lui permet d'avoir l'impression de travailler et donc de garder un contact avec la réalité, aussi paradoxal que ça puisse paraître. « Si t'es comédienne, tu ne peux pas vouloir qu'être comédienne ; t'imagines l'attente ? » Je lui objecte qu'elle pourrait passer son temps à regarder des films. Elle me confie alors « Je deviens cinéphile en grandissant, mais j'étais pas cinéphile à la base. J'ai encore plein de trucs à rattraper, j'ai jamais vu Le Seigneur des Anneaux par exemple ».

Elle est comme ça Frankie, consciente de sa candeur, mais aussi du fait que c'est une force, celle de l'humilité. Il y aurait encore un tas d'autres trucs à dire sur Frankie, qu'elle adore la bonne bouffe, le vin (on l'a déjà dit ça, mais c'est important), qu'elle a eu un coup de foudre pour Berlin, qu'elle adore danser… Finalement, on a l'impression d'une meuf qui découvre tout en permanence, qui est dotée d'une infinie capacité à s'émerveiller et à absorber ce qu'elle voit, un peu comme Lilou dans Le Cinquième Élément. Frankie, c'est une nana en apprentissage perpétuel, très enthousiaste et hyper franche. Si j'osais je dirais qu'elle porte à merveille son prénom…