Tout avait pourtant plutôt bien commencé. L'installation de l'ambiance hivernale, sombre et froide, l'introduction, en voix-off, du personnage de Christian Bale via la lecture de son pedigree par son employeur sceptique, le décor historique de l'académie militaire de West Point, et surtout la rencontre avec Edgar Allan Poe, campé avec beaucoup de panache par Harry Melling ; brièvement d'abord avec une révélation mystérieuse : « le meurtrier est un poète », indique je jeune Poe à l'enquêteur chargé d'élucider la mort de son camarade, puis plus en détails lors d'une discussion arrosée dans une taverne mal éclairée. Et c'est bien là, dans l'interprétation des deux personnages principaux, qu'il faut aller chercher tout l'intérêt du métrage.
Le talent d'acteur de Christian Bale n'est plus à démontrer, aussi n'est-on pas surpris de le voir donner à son personnage les traits d'un enquêteur taciturne mais brillant, hanté par la mort de sa fille quelques années plus tôt. C'est un autre mystère qui se joue là, et qui ajoute encore à l'atmosphère inquiétante du film en donnant de la profondeur à son héros. Rien à dire, tout cela est tout à fait cohérent et joliment mis en scène par Scott Cooper, qui avait déjà démontré ses qualités de réalisateur dans l'excellent Hostiles il y a quelques années, avec le même Christian Bale en tête d'affiche.
Mais celui qui véritablement tire son épingle du jeu, si l'on peut dire avec un brin de malice, c'est Harry Melling. Il offre à son personnage non seulement des traits assez proches de ceux de l'écrivain américain, avec ses grands yeux ronds et tristes, mais encore une attitude et une diction qu'on imagine aisément avoir été ceux de l'auteur du Corbeau. L'amour de la poésie et de la déduction semblent ainsi l'habiter tout autant que le regret et le désespoir étreignent son acolyte.
Malheureusement, le scénario ne parvient pas à se hisser à la hauteur des histoires du même type qu'on retrouve dans les nouvelles policières de Poe (Double assassinat dans la rue Morgue et autre Scarabée d'or en tête). Le twist final, qui succède déjà à une résolution aux accents gothiques lorgnant par trop du côté du cliché obscurantiste, vient ainsi parachever une entreprise d'autodestruction par le récit d'une œuvre à l'esthétique plus qu'honorable. En un mot, c'est dommage.
The Pale Blue Eye, de Scott Cooper
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