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Y’a quoi au ciné ? La sélection du Bonbon Nuit – Crise d’ado

undefined undefined 5 avril 2023 undefined 17h56

undefined undefined 5 avril 2023 undefined 18h16

Pierig Leray


Si tu veux te rappeler la violence de ton entrée dans le monde du travail : ABOUT KIM SOHEE

Sohee est une jeune fille vivante et souriante jusqu’au jour où tout bascule à la fin de son lycée, et son intégration comme stagiaire dans un call-center terrifiant. Tout est surveillance, pression du résultat, course à la prime, les classements inondent les postes de travail, la compétition jusqu’à la haine de l’autre, l’arnaque au client, soutirer le maximum de blé quitte à mentir piteusement et profiter des plus fragiles. Au-delà du scandale d’État qui a frappé tout un pays, July Jung (découverte avec le très beau A girl at my door) filme frontalement la transfiguration d’une forme de pureté presque naïve (le lycée, la danse K-pop qu’elle affectionne) en une accablante violence du travail. Son esprit et son corps s’écroulent (par l’alcoolisme en cache-misère), la mort de toute vitalité (par la dépression) d’une gamine à peine sortie des classes et qui doit batailler dans un monde du travail inhumain. Brutal, parfois trop sur-titré (notamment sa fin), l’œuvre est bien entendu troublante d’actualité. Le travail est ici élevé en une source unique de réussite et d’épanouissement, lui qui va bientôt s’imposer chez nous des années en plus dans des existences déjà brutalisées par sa présence : meilleur pub contre la réforme des retraites.

Pourquoi il faut y aller : Une belle recommandation à faire à la prochaine manif.
Mais d’un autre côté… Parfois trop démonstratif, trop appuyé, il n’y avait pas besoin d’autant pour interpeller.

About Kim-Sohee de J. Jung
Sortie le 5 avril


Si tu veux te rappeler la douleur de l’exclusion ado : THE QUIET GIRL

En début de film, Cáit est effacée, moquée, ses yeux baissés, son regard rempli de mal-être, elle urine encore au lit, et reste dans un mutisme déroutant. À l’inverse de la trajectoire prise par Sohee, Cáit va elle s’ouvrir au monde et à sa reconstruction progressive lorsqu’elle se retrouve accueillie le temps d’un été par un couple endeuillé par la perte de leur jeune fils. Le parallèle est saisissant, entre sa famille génitrice incapable d’écoute et d’attention, et celle d’accueil qui remplit rapidement son nouveau monde d’un amour inconditionnel. D’un sens de l’esthétisme certain et d’une maîtrise scénique bluffante, Bairéad filme l’éloge du silence et de la quiétude, l’épanouissement d’une jeune fille délaissée à travers la simplicité d’un amour champêtre. Il y a cependant un réel malaise dans l’apposition riche/pauvre (en cataloguant les derniers en mauvais parents, filmant le riche couple en héros, et le couple pauvre en despote) mais la beauté du film est ailleurs si l’on peut la saisir, dans l’œil de cet enfant qui retrouve vie, petit miracle résurrecteur de destinée.

Pourquoi il faut y aller : Pour la beauté des images mettant en valeur l’épanouissement réjouissant d’une fille délaissée.
Mais d’un autre côté… Surexposée notamment par sa photographie, ça force un peu le trait, parfois à la limite du niais. Et ce parallélisme maladroit qui mélange richesse et amour.

The Quiet girl, de C. Bairéad
Sortie le 12 avril


Si tu veux te rappeler les douloureux souvenirs de ton premier amour : NORMALE

Lucie, écrivaine en herbe, conteuse et menteuse, affabulatrice géniale, va rencontrer un mec pas comme les autres, déconstruit, mais bataillant avec sa propre sensibilité pour être accepté par les machos. Se dégage de cette histoire naïve une atmosphère à part, drôle et amère, jouant entre l’image et le verbe, bricolé, et d’une énergie authentique. À côté de cette amourette maladroite, elle doit s’occuper seule de son père (Benoit Poelvoorde) atteint de sclérose en plaque, un homme qui n’y arrive plus, la robe de chambre tachée, la paperasse accumulée sur un bureau où il geek des heures sur un jeu d’heroic-fantasy pour échapper à sa réalité. Film testamentaire pour le miraculeux Poelvoorde, atmosphère grand-guignolesque (ce spectacle rétro-futuriste), et émotion débordante dans cet objet difficilement cernable, mais passionnant car inclassable.

Pourquoi il faut y aller : Pour Poelvorde, forcément, mais pas que. Ce duo d’adolescents admirable entre tendresse et premier degré très fun.
Mais d’un autre côté… Inclassable, et donc potentiellement illisible.

Normale, de O. Babinet
Sortie le 5 avril