Y’a quoi au ciné ? La sélection du Bonbon Nuit – Météorite, narcissisme et sororité

undefined 22 juin 2023 undefined 10h10

Pierig Leray


Météorite : ASTEROID CITY

C’est un film dans un film, ou plutôt une pièce de théâtre dans une pièce, où l’on suit en parallèle sa genèse et sa mise en scène, Wes Anderson brouillant les pistes entre le devant et l’arrière du rideau. Mais au-delà de sa mécanisation scénique bien rôdée, il signe son grand retour avec enfin une personnalisation d’un cinéma érodé sur ses dernières réalisations, sa liste de célébrités est au service de son film et non plus là pour enjoliver son affiche (avec ici un Tom Hanks stratosphérique, une Scarlett Johansson somptueuse). Asteroid City touche en plein cœur par sa lecture du deuil, son regard poétique sur la solitude des acteurs, la relation père-enfant (déjà magistrale dans La Famille Tenenbaum), il y a de l’humour (et cette séquence sensas avec un alien tout mimi), et surtout, des face-à-face en moment de grâce (Schwartzman face à Johansson puis Margot Robbie). Immense plaisir à larmichette que de retrouver notre Wes au firmament.

En résumé : Que c’est bon de retrouver un amour paumé (Wes Anderson) 5/5

Asteroid City de Wes Anderson
Sortie le 21 juin


Narcissisme : PASSAGES

Tomas est un réalisateur à succès, la première scène sur un tournage l’affiche comme un homme exigeant, imbu de lui-même mais pas encore sociopathe. Ça, on le découvrira au fil du film lorsqu’il lâche son mec avec qui il est couple depuis 15 ans pour une femme, Agathe, jouée par la toujours impeccable Adèle Exarchopoulos. Puis le doute, l’hétéronormativité et ses règles indigestes (les beaux-parents, l’enfant) viennent péricliter cette gaminerie absurde. Mais il est déjà trop tard. C’est donc l’histoire d’un homme persuadé de savoir aimer, mais n’aimant finalement pas grand monde à part lui-même et la grandeur supposée de sa petite personne. Narcisse imbuvable, artiste prétendu génial, utilisant l’autre pour nourrir sa solitude et son aigreur, Rogowski (Tomas) et sa singulière cloison nasale déviée est immense, et porte un film qui joue de sa fausse simplicité pour s’engager sur un terrain vieux comme le monde (le trio amoureux) mais codifié des nouvelles normes. Jonglant entre le mélodrame et le social, Passages prouve qu’un désir d’ouverture et de liberté c’est bien, mais que pour ça, il faut savoir (s’)aimer.

En résumé : Mieux vaut être cool sans talent, qu’un gros con hyper doué. 3.5/5

Passages de Ira Sachs
Sortie le 28 juin


Sororité : POLARIS

Docu sélectionné à l’Acid Cannes en 2022, Polaris raconte le destin croisé de deux sœurs, Hayat qui navigue en plein Arctique, capitaine affirmée de son bateau, et Leila, maman célibataire dans le sud de la France venant d’accoucher d’un petit garçon. Leurs trajectoires de vie les opposent, mais l’absence de figure maternelle les retrouve. Il y a le travail du cadre, élégant, gracieux, superbe caméra qui s’entremêle avec brio dans cette double destinée de ces sœurs éperdument seules, ne pouvant communiquer qu’à travers l’outil numérique, et lorsque le réseau l’accorde. L’absence flotte tout le long du film, ou plutôt plombe tant il émane de chacune des discussions entre les sœurettes, se rappelant leur passé douloureux (un père inconnu, une mère toxicomane qui les a abandonnées), et ce qui en découle, une sensation viscérale de malédiction générationnelle (cette fameuse crainte naturelle de transmettre les erreurs du passé à sa descendance). Docu formellement superbe et d’un espoir relatif sur la difficulté à aimer sans l’avoir été.

En résumé : Quand on rabâche que les pires épreuves de la vie peuvent endurcir, c’est pas que des conneries. N’allez pas non plus vous embarquer en Arctique si votre moitié vous lâche. 4/5

Polaris de Ainara Vera
Sortie le 21 juin