Après un violent retour cannois, et un Covid dans les valises, il est temps de retrouver – un peu de normalité avec des températures de saison, du pollen plein le pif, et les bonnes odeurs d’aisselles du métro. Mais surtout, la salle de cinéma hors festival, sans ses rires exagérés, ses applaudissements intempestifs, et surtout, sa file d’attente à badges.
La révolte : Camila sortira ce soir
Camila débarque à Buenos Aires dans une école bourgeoise et maniérée. Elle s’y sent incomprise, malmenée face aux gueules d’anges à franges qui puent le poignons. Et pourtant, rapidement se forme autour d’elle une communauté queer et féministe qui va malmener les règles et pensées archaïques du lycée. Plaisir immense de voir Camila foutre le bordel dans ce consensus de pensée, dénoncer les inepties, offrir un vent de liberté sexuelle sous le regard complice d’une mère si fière d’avoir éduqué une fille en feu, révoltée et enragée. De son visage fermé à la Gainsbourg dans « l’Effrontée », Nina Dziembrowski (Camila) explose à l’écran et s'empare du film par la force de son regard dénonciateur, chef de guerre d'une révolution en marche.
En résumé : Film fraicheur, qui tient parfaitement sa place entre le melon et la tomate cerise. 4/5
Camila sortira ce soir de I.M. Barrionuevo – sortie le 7 juin
Le deuil : Love Life
La tension est palpable dans cette famille recomposée, histoire habituelle du beau-père qui ne supporte pas la nouvelle meuf de son fils, et qui plombe un repas d’anniversaire. Jusqu’au drame, et la mort de l’enfant du couple dans un accident domestique qui fait basculer le film. Fukada explore les relations humaines par le deuil, et avec lui le retour d’un père absent, l’infidélité d’un beau-père, et le parcours d’une mère, éperdument seule dans un désert de reconstruction et d’acceptation. La mise en scène intelligente s’appuie sur un sens du détail (la lumière réfléchissante d’un CD, un jeu de pion, un chat qui s’échappe, …) pour suggérer l’émotion plutôt que de l’imposer, offrir une empathie poétique plutôt qu’un jugement brut. Sans pathos, Fukada performe par la douceur qu’il fait naitre de la noirceur et de la douleur (et cette superbe scène où la mère abandonnée, se met à danser sous une pluie battante). C’est très fort, et prenant.
En résumé : Brillant, soulevant une multitude de lecture au-delà du deuil qui en est le centre, il faut s’accrocher pour pas chialer. 4/5
Love Life de K. Fukada – sortie le 14 juin
La sueur : Stars at Noon
Trish est une journaliste qui traine dans les bas-fonds crapuleux et dégoulinants d’un Nicaragua au bord du coup d’État lors d’élection présidentielle. Son passeport confisqué pour une histoire d’article anti-pouvoir, pas une thune en poche, elle tente de glaner du dollar en se prostituant au plus offrant. Jusqu’à croiser la route de ce beau mâle anglais bien peigné en costume blanc-cassé. Mal lui en a fait de tomber éperdument amoureuse de ce type pas très fréquentable et recherché par la CIA. Grand Prix de Cannes 2022 incompréhensible, Claire Denis nous la joue faussement cool à rechercher l’image branchée (un des frères Safdie en acteur, Tindersticks à la BO, revival imaginaire 70’s), mais en oubliant l’essentiel : faire un film qui se tient et au scénar’ pas trop déconnant. Et c’est malheureusement tout l’inverse ici, rien ne va dans cette amourette prétentieuse au relent colonial, un « Pacifiction » sous Lexomyl noyé dans une flaque de sueur.
En résumé : Rien de pire qu’un type ringard, qui pense le contraire et qui se la joue cool. Un peu l’histoire de Stars at Noon. 2/5
Stars at Noon de C. Denis – sortie le 14 juin