b0eba61134ab2e4fe5c55c13eb1b36c8

Y’a quoi au ciné ? – Répétition, Prison et Transformation

undefined undefined 20 août 2024 undefined 16h11

undefined undefined 20 août 2024 undefined 16h36

Pierig Leray


Répétition : SEPTEMBRE SANS ATTENDRE

Là où Trueba nous saisit dès son ouverture, c’est qu’il commence par la fin, la fin d’une histoire d’amour de plus de 14 ans, une séparation en évidence, un apaisement mature à signer la clôture d’un contrat amoureux qui semblait indélébile, et que le temps a fini par effacer. Ale, Alex, à une lettre prêt, tout le monde les a toujours connus ensemble, alors quel séisme lorsque amis et famille apprennent la terrible nouvelle. Mais partant de l’idée résolument moderne du père d'Alex que les séparations doivent se fêter, « comme un mariage, mais à l’inverse », ils décident d’organiser une grande cérémonie de rupture pour fêter le point terminal de leur amour. L’on suit alors cet anti-mariage et son organisation, jusqu’à ce que tout bascule, Trueba tentant de nous disperser par un film dans le film, ou plutôt, un montage dans le montage. Alex (qui est réalisatrice) est en salle de montage de son dernier film qui reprend des plans de sa propre vie avec Ale, acteur principal, et donc de sa vie. Le rythme s’emballe, la vie dans le film et en dehors se conjointent en une boucle temporelle où la destinée chaotique semble libérer le plus ardent et répétitif des amours. Le répétition, ils ne cessent de répéter à tout le monde leur rupture apaisée, et cette fête en mirage. Mirage bergmanien (et ce jeu de tarot à son effigie), sens de la provocation très français (et cette tombe de Francois Truffaut), la philosophie de l’instinct (et la naissance de l’amour répétition chez Kierkegaard), Trueba ne cesse d’exposer à tombeau ouvert ses obsessions littéraires jusqu’à ce que le souffle de septembre vienne faire tomber ce vase en conclusion, une chute impunie face à l’irrésistible sensation assumée que la fin n’est jamais vraiment la fin.

En résumé : Ce film dans le film est une merveille d’intelligence, de poésie, de sens du rythme et de rupture, beauté d’un amour qui s’éteint et force le miracle de la répétition . 5/5

Septembre sans attendre de J. Trueba
Sortie le 28 août


Prison : LA PRISONNIÈRE DE BORDEAUX

Après André Téchiné (Les gens d’à côté), Isabelle Huppert et Hafzia Herzi se refont face chez Patricia Mazuy, de retour après le malheureux échec économique de son extraordinaire dernier film Bowling Saturne. D’un procédé de comédie (où l’on oppose les opposés pour faire rire), Mazuy va utiliser cette antinomie sociale (Huppert la bourgeoise, Herzi l’ouvrière) en jeu de miroirs à réfraction, tentant non pas l’opposition, mais la pénétration de l’un dans l’autre. Ces deux "co-détenues" (comprendre femme de prisonnier) vont communier leur honte, leurs mensonges, la souffrance de l’absence, le désir de pardon dans un partage élévateur, bien conscientes de n’être ni réellement proches, ni réellement éloignées, ni amies, ni confidentes, un interstice où chacune appuie sur l’épaule de l’autre pour se convaincre que la vie n’est pas finie, et qu’un monde se dessine aussi hors des murs de la maison d’arrêt de Bordeaux. Miroir réfractaire donc, du visage fermé et premier degré de Herzi face à celui rieur et au troisième degré de Huppert, d’une gamine qui prend tout trop sérieusement à une vieille dame qui prend tout à la légère. Mazuy épouse son film avec une pudeur admirable, une capacité inouïe à installer une ambiance à la fois complice et défiante jusqu’à ce que la bien maladroite trahison finale ne vienne clôturer avec grandeur un basculement définitif de ces destins croisés.

En résumé : Mazuy réussit son pari de ne jamais s’écraser face à la puissance de son duo d’actrices, et imprime avec vigueur et un irrésistible talent un jeu à miroir social entre fascination et malaise. 4/5

La prisonnière de Bordeaux de P. Mazuy
Sortie le 28 août


Transformation : EMILIA PEREZ

Dans cette improbable partie de Kamoulox géant, Audiard se plante en partie à force de démonstration, imposer, jouer l’amuseur public à gueuler plus fort que les autres qu’il est un homme moderne, rayonnant de préceptes déconstruits, vociférant son talent comme s’il était persuadé d’en être dénué. Emilia Perez, une comédie musicale sur un baron de la drogue mexicaine qui se transforme en femme, voilà un sujet résolument passionnant. Mais Audiard vient le noyer dans une addition musicale barbante qui porte préjudice à l’ampleur de son sujet, on se perd dans un labyrinthique processus de transformation qui élude l’essentiel, la transformation psychique de Emilia pour ne se focaliser que sur son physique, l’image reine, cette photographie putassière qui finit par agresser la pupille, et donc annihiler toute émotivité sur un discours prémâché qui surfe sur l’événement qu’il va créer. Pompeux et volatile, le dernier quart d’heure formidable, je le concède, ne rallume pas la flamme de cette tempête dans un shot de tequila.

En résumé : Boursoufflé par ses effets de manche, et cette démonstration forcée de la "différence", un Audiard en sur-jeu qui finit par nous essouffler, puis profondément nous agacer 2.5/5

Emilia Perez de J. Audiard
Sortie le 21 août