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Y’a quoi au ciné ? Apesanteur, Dandysme et Quête de soi

undefined undefined 3 décembre 2024 undefined 16h05

undefined undefined 3 décembre 2024 undefined 17h15

Pierig Leray


Apesanteur : NOËL À MILLER’S POINT

Il y a des films qui nous tombent dessus, un cœur qui s’emballe, et cette magique impression d’apesanteur, d’une nostalgie câline et chaleureuse qui nous enserre, voilà l’effet merveilleux du film de Tyler Taormina, une bulle protectrice qui a su arrêter le temps, arrêter notre temps, comme une main tendue vers les souvenirs d’un monde oublié. Point d’intrigue dans cette veille de Noël en famille, où les histoires se mêlent aux silences, le potache se marie à la communion, un bonheur simple, une joie partagée, des doutes aussi, et des choix de vie discutés, puis la fête et les rires collectifs, les cadeaux, et la nuit tombée, pendant que la vie adulte s’éteint, l’adolescente se réveille dans une furie de tendresse amicale, de jeux et de conneries. Mais surtout, une vague d’amour qui déferle (cette merveilleuse scène des néo-couples en voiture) et brûle, réchauffe le froid des premiers flocons sur des visages, et des regards, tous tournés vers le ciel. Taormina et son montage brillant réussissent la plus ardue des tâches, rendre le beau simple et naïf, épurer, dilapider la lourdeur narrative, se défaire des règles esthétisantes, et savoir, avec un talent fou, diriger sa caméra là où tout se joue, là où le policier décide de tourner le regard, là où la fille décide de pardonner sa mère, là où la jeune femme décide de prendre la main de celle qu’elle aime, là où un bisou sur la joue se transforme en baiser décidé, là où le cœur est le seul décideur, et que pour toujours, ces petits moments volés bâtissent une histoire (de Noël) inoubliable.

En résumé : Génialissime, fou, fun, éblouissant portrait familial baigné d’une nostalgie d’un autre temps, celui où l’on pouvait encore naïvement admirer les étoiles un soir glacial de Noël : magique ! 4.5/5

Noël à Miller’s Point de T. Taormina
Sortie le 11 décembre


Dandysme : LIMONOV, LA BALLADE

Limonov, personnage fiévreux, punk littéraire et dandy d’une époque trouble, personnage ambivalent qui finira détestable en rejoignant la pensée poutiniste après un séjour au goulag qui le hissera en grand martyr de la nation. Et que le génie Serebrennikov s’attaque à une telle biographie (celle de Emmanuel Carrère), cela accouche forcément d’un film explosif, mais bizarrement, sur la retenue. On aurait même aimé que Serebrennikov pousse le curseur, enflamme son film d’une plus grande liberté à la fois esthétique et de mise en scène, on sent le film retenu, pied sur le frein, mais probablement inhérent à son caractère biographique qui l’isole dans une linéarité chronologique un peu barbante. Serebrennikov prend son temps pour poser les bases psychologiques troubles de ce personnage parfois sublimé (magnifique scène où il dilapide son propre sang au mur), souvent dégueulasse (la tentative de meurtre sur sa femme), on le voit naviguer à travers les époques, s’épuiser à devenir connu, reconnu, mais par qui ? Par le peuple, grande bataille de ce petit être en mal d’attention, capable de tout faire pour que l’on parle de lui. Comme toujours, Limonov pourra agacer comme emballer, mais reste une nouvelle œuvre atypique et unique du réalisateur russe.

En résumé : Le sens du rythme et des plans-séquences de Serebrennikov ne laisseront jamais indifférent, et malgré une épopée en-deçà de ses précédents films du fait de son caractère biographique contraignant, Limonov n’en reste pas moins une folle réussite. 4/5

Limonov, la ballade de K. Serebrennikov
Sortie le 4 décembre


Quête de soi : CROSSING ISTANBUL

Madame Lia, personnage glaçant à la mine triste, antipathique au possible, va s’associer au jeune fougueux et paumé Achi pour tenter de retrouver sa nièce, une femme trans exclue de son village. Sa recherche l’amène en plein cœur d’Istanbul à côtoyer une marge invisible et rejetée, la prostitution trans, un gamin abandonné trainant dans la rue, une avocate trans et personnage emblématique du milieu. De cette recherche d’une disparue naîtra l’unité, le visage de Madame Lia commençant peu à peu à s’ouvrir, la chaleur humaine prenant le pas sur le défaitisme et la mine basse, chacun aidant, à son niveau, à retrouver Tekla, la nièce dont on ne retrouve plus trace. De manière un brin caricaturale, la métaphore de la quête d’un autre en quête personnelle jaillit pour chacun des personnages, retrouvant peu à peu à travers cette recherche le goût pour une nouvelle vie, une définition nouvelle d’un soi, d’un nouveau futur possible. Il y a un vent superficiel qui souffle sur des portraits stéréotypés, et limitant clairement l’envol d’un film scotché à sa promesse initiale, et engoncé dans une linéarité narrative dommageable. Néanmoins, il n’en reste pas moins une succession de portraits touchants, soignés, certains diront scolaires, qui mettent en lumière la violence à l’encontre d’une communauté mise au ban d’une société religieuse archaïque, malgré la modernité et l’ouverture d’esprit considérable d’Istanbul par rapport au reste du pays.

En résumé : Malgré son caractère linéaire et ses stéréotypes, Akin arrive à extirper de jolis portraits d’une marge qui s’unit dans une quête de sens et de soi et dont chacun va profiter, à sa manière, pour se redéfinir. 3/5

Crossing Istanbul de L. Akin
Sortie le 4 décembre