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Y’a quoi au ciné ? – Désir juvénile, Mort programmée et Cinéphilie

undefined undefined 8 janvier 2025 undefined 18h15

undefined undefined 9 janvier 2025 undefined 10h45

Pierig Leray


Désir juvénile : BABYGIRL

Il y a dans Babygirl une folle réjouissance de voir enfin la caméra à hauteur du désir d’une femme et non du fantasme de l’homme, un regard décadenassé de toute pudeur limitatrice et avec lui, la libération décomplexée d’un désir total, une jubilation sexuelle qui inverse et détourne le classicisme BDSM du dominant-dominé (généralement un mâle blanc P-DG de son entreprise fouetté les fesses à l’air par une vingtenaire en latex). Ici, la dominée est une femme, Romy (Nicole Kidman), botoxée jusqu’à l’os, inexpressive cheffe d’entreprise qui écrase son monde de sa posture d’intouchable. Le dominant, Samuel (Harris Dickinson), un stagiaire diablement provoc’, torpille sexy à se flinguer de beauté. S’installe alors entre les deux un jeu de piste sexuel entre le chasseur et sa proie, des regards qui pénètrent, des actes qui saisissent (subtil régal lorsque Samuel commande un verre de lait rabaissant à Romy dans un bar) jusqu’à ce que l’acte sexuel ne devienne qu’un prétexte au jeu et au désir impuni, à la libération des conventions (Romy n’a jamais eu un seul orgasme avec son mari). Là où la finalité primitive du désir masculin n’est dominée que par l’acte pénétrant final, la beauté du désir féminin vient quant à elle de son détachement, le jeu, l’imaginaire, cette guerre des sens, la recherche de l’autre, une sensorialité purement féminine qui explose la grossière débilité machiste (et cette crise de jalousie pathétique du mari trompé). Le désir féminin prend alors une dimension quasi grandiose.

En résumé : Le désir féminin s’expose et s’impose dans cette tornade de dominant-dominée avec une Nicole Kidman au firmament du plaisir faussement coupable. 4/5

Babygirl de H. Reijn
Sortie le 15 janvier


Mort programmée : LA CHAMBRE D’À CÔTÉ

Comment ne pas s’incliner devant une telle maîtrise, un Almodóvar décomplexé de ses obnubilations œdipiennes qui ont pu fatiguer par le passé (premier tiers de sa filmographie), libéré depuis son autobiographique Dolor y Gloria, et accouchant ici d’un réel chef-d’œuvre, Lion d’or mérité à Venise, et grandiloquence d’une mise en scène assourdissante d’intelligence, une tension faussement hitchcockienne, drôle, infiltrant de l’absurde et de la légèreté dans une tension éthique, une lourdeur philosophique sur le sens même à ordonner sa propre mort. Martha est mourante, elle souhaite décider du jour où elle partira (par une pilule d'euthanasie achetée sur le dark web). Ingrid l’accompagnera, dans la chambre d’à côté, jusqu’à cette fin programmée. Tilda Swinton et Julianne Moore, stratosphériques, épousent les directives d’un Almodóvar en roue libre, démiurge modeste et immense, humble et génial, signant chaque plan comme un tableau de maître, naviguant avec fausse simplicité dans les méandres torturés d’un esprit désormais obnubilé par la disparation, la finalité de l’être, et de la trace laissée. Splendide.

En résumé : Peut-être son meilleur, Almodóvar au sommet, grandeur de mise en scène, pertinence et intelligence, philosophie mortuaire et porte ouverte à l’éternité, celle de la mémoire, et des images qui ne s’effacent pas. 5/5

La chambre d’à côté de P. Almodóvar
Sortie le 8 janvier


Cinéphilie : SPECTATEURS !

Il y a le cinéma, le poids de son histoire, sa technicité confrontée à sa philosophie, la pellicule, la mécanique face au suggestif, il y a les 24 images par seconde, le mensonge en accéléré, puis ce qu’on en fait, ce que l’on en déduit. Desplechin trace une ligne chronologique et torturée, de sa propre enfance à son adolescence contrariée, un amour de jeunesse face à l’amour de toujours, le cinéma, accompagnateur de vie, de douleurs, paradigme intemporel traversant les âges et les temps. Le cinéma comme vecteur d’un monde qu’il est parfois plus simple de supporter isolé dans une salle que seul dans la rue. Et puis il y aura Shoah de Lanzmann, Les 400 coups de Truffaut, le basculement décisif d’un étudiant bégayant en cinéaste, une vie bouleversée par des images projetées, et cet acte de foi décisif, celui qui pénètre la chair, et qui nous fait définitivement comprendre que le cinéma n’est pas « que ça », qu’il est surtout « tout ça », ce geste artistique capable de changer le monde, changer son monde avant de changer celui des autres. Que le cinéma vit et vivra, que de la passion naît la création, que de la fascination naît le don, le don de soi, à la salle, aux cliquetis des projecteurs et des pellicules qui claquent, à vous, à nous, les spectateurs.

En résumé : Du petit manuel didactique au parcours autobiographique, Desplechin et sa délicieuse piqûre de rappel cinéphile pour ne jamais oublier l’importance du cinéma, et sa capacité à transfigurer le réel en nouvelle réalité. 3.5/5

Spectateurs ! de A. Desplechin
Sortie le 15 janvier