when-the-light-breaks

Y’a quoi au ciné ? – Deuils adolescents & amour new-age

undefined undefined 18 février 2025 undefined 18h00

Pierig Leray


Deuil adolescent : WHEN THE LIGHT BREAKS

Il y a la perte d’un ami, d’un amoureux, d’un amant. Et la douleur, vorace et vivace qui brise l’entourage. Puis le moment de la communion, du partage, le soutien qui permet de survivre, et soulager la peine. Mais dans ce deuil adolescent, un mensonge qui rôde, celui de Uni, l’amante du jeune défunt, incapable d’avouer la vérité à sa copine Klara. Et c’est tout l’enjeu de ce premier film islandais, le poids du silence. À son début, il expose à une intolérable jalousie. Comme si Uni n’avait pas le droit, elle aussi, de pleurer, de s’effondrer, une peine silencieuse qui l’isole, un visage meurtri par le mensonge obligatoire. Et d’une séquence magistrale, le film bascule d’un élan bergmanien, lorsque les deux visages, celui de l’amoureuse légitime et de l’amante, viennent à fusionner, le cri de rage de l’une venant s’apaiser dans le regard de l’autre. Et c’est alors que l’enjeu dramatique du silence s’effondre dans l’apaisement et le partage d’une peine identique. D’un mutisme tueur naît alors un mutisme guérisseur, après la jonction des visages vient celle des corps, enlacés. D’une thématique éculée, Rúnarsoon tire un regard nouveau, un sens de la mise en scène qui fait décoller le film vers un imaginaire radieux, extirpant de l’obscurité la beauté de la (sur)vie (une autre scène remarquable, lorsque Uni apprend à Klara à voler les yeux au ciel), une poésie du deuil qui étend les mots pour faire naître l’émotion contenue, mais envahissante.

En résumé : Lorsque le poids du mensonge se dissipe, et que la douleur mutique finit par s’éteindre dans un silence guérisseur, qu’il est beau parfois de ne rien dire. 4/5

When the light breaks de R. Rúnarsoon
Sortie le 19 février


Deuil adolescent bis : SEPTEMBER & JULY

Dangereuse première demi-heure installant le film dans les méandres sundanciens laborieux, et un jeu malsain entre la grande sœur September et sa benjamine July, la première écrasant la seconde du poids de son influence, relayant la petite « silly July » à son statut de « weirdo » et souffre-douleur de sa classe. Là aussi, la mise en scène porte son sujet, les corps et leur parallélisme interagissent, s’affrontent puis s’unissent. En leur centre, une mère paumée et artiste, utilisant ses filles comme poupées d’exposition, un amour maternel absent, une sororité malsaine et débordante de soumission, accumulant les clichés adolescents d’un monde hormonal à la dérive. Puis tout bascule. La violence du contrôle de September sur July implose, s’intensifie, la violence et l’auto-mutilation apparaissent, les corps ne sont plus côte à côte mais face à face, il n’y a plus de jeu, mais un mal jaloux, agressif. Jusqu’au twist, loin d’être attendu, qui nous retourne, saisit, et fait alors entrevoir les abîmes douloureuses d’un film prenant enfin son envol, ou plutôt, assumant sa chute, un vertige qui nous fait tanguer, en bord de précipice. Comme cette fin magistrale sous la musique finale de Molly Nilson. Tout comme When the light breaks, un premier film tout en promesse qui s’attaque de nouveau à un sujet éculé mais par le prisme d’un regard nouveau, celui du sens du contrôle, de la manipulation qui se joint à la protection. À quel point la toxicité d’une relation narcissique peut induire, à sa fin, la perte et le désespoir.

En résumé : À l’inverse du film islandais, Labed choisit la marge, la douleur physique et la folie en démarche expiatoire du mal. La fin nous terrasse, et emporte tout. 4/5

September & July de A. Labed
Sortie le 19 février


Amour New-Age: QUEER

Dans Queer, Guadagnino en fait une histoire personnelle, il y a là une générosité débordante à filmer l’amour impossible, celui d’un homosexuel désireux, amoureux d’un homme qui le fuit, une chasse sexuelle et dégoulinante de désir dans un Mexico des années 50 reluisant de chemises ouvertes et gorgées de sueur. Lee, et ses traits tirés par une vie d’excès, son regard caméra qui déboussole, homme d’un certain âge qui s’effondre dans l’alcool et la drogue, puis sait se relever à temps par l’espoir d’un amour nouveau. Cet amour nouveau, c’est la beauté plastique et juvénile de Allerton, un physique miracle à perdre la tête. Et quelle réussite que cette première partie où la simplicité de cette non-rencontre finit par nous captiver. Mais l’intarissable Guadagnino finit bel et bien par retomber dans ses travers, prétention visuelle, bidouillages et snobisme de mise en scène plombent une dernière heure où s’entremêlent un délire new-age sous ayahuasca, et une fin kubrickienne en voyage temporel grotesque. Il y a chez lui le désir naïf et impulsif d’un jeune premier, celui de toujours en faire trop, démonstratif, incapable de centrer sa caméra sur l’essentiel (ici un Daniel Craig miraculeux qu’il aurait fallu accompagner en solitaire). Le film, bien trop long, finit par se perdre dans ses ramifications. Et donc tempère sa première partie convaincante.

En résumé : Si sa caméra pouvait enfin se poser, et éviter toute cette démonstration de force visuelle, alors peut-être qu’un jour, Guadagnino réalisera un grand film. On n’y est pas encore. 3/5

Queer de L. Guadagnino
Sortie le 26 février