Psychanalyse : FREUD, LA DERNIERE CONFESSION
Il y a la douleur d’un grand homme à l’aube de sa mort, gangréné par un cancer qui ronge, dopé à la morphine pour supporter la douleur, et cette pilule dans sa poche, cette pilule qui décidera du jour de sa mort, lui, Freud qui, au-dessus du commun des mortels, pourra décider par l’euthanasie du jour de sa propre disparition. Mais avant de mourir, il y a cette rencontre purement théorique (on ne saura jamais si elle a eu réellement lieu) avec C.S. Lewis (chrétien engagé et futur auteur de Narnia), une rencontre qui verra se confronter l’inaudible, l’athéiste face au religieux, la croyance d’un au-delà dominé par une entité supérieure face à l’absence, le néant spirituel mis en bouteille par la science et la raison. Et dans ce débat où les joutes sont rudes et agressives, les positions n’évoluent pas malgré la pertinence des argumentaires qui écrasent les murs du bureau reclus de Freud. L’intérêt de ces confessions freudiennes n’est pas dans sa schématisation simpliste, ou cette tentative bien maladroite d’analyse de sa relation particulière avec sa fille (qui sera elle à l’origine de la psychanalyse de l’enfant), mais bien de voir cet homme en fin de vie, représentant d’une forme de sagesse et de grandeur d’esprit, lui-même vaciller face à l’obscurité, à la terreur qui le gagne avec la perspective de sa disparition. Comment le souffle de la mort peut ainsi pousser à chercher, à son chevet, une lumière divine qui pourrait apaiser la peur ? Malgré le rejet de l’existence de Dieu, lui l’athéiste chevronné, Freud verra alors sa propre détermination idéologique bousculée. Et cette interrogation qui émane avec rigueur et puissance du film nous pousse, nous aussi, à nous questionner sur l’impact décisif de la mort face à nos propres convictions.
En résumé : Tout n’est pas réussi dans cet essai théorique, mais s’en dégage un voile pré-mortem saisissant, et un réel plaisir de voir vaciller devant nous un grand sage à l’aube de sa propre disparition. 3/5
Freud, la dernière confession de M. Brown
Sortie le 4 juin
Empathie : SAUVE QUI PEUT
On repense avec tendresse à Mon Corps de Claire Simon, autre documentaire en terre hospitalière qui avait su trouver le ton juste pour embrasser la beauté du métier de soignant, mais aussi en aborder toute sa difficulté. Avec Sauve qui peut, Alexe Poukine s’intéresse à la grande nébuleuse des études médicales, la communication au patient, cette capacité qui s’ignore, souvent rejetée par la masse cérébrale, et pourtant majeure pour établir une connexion au patient, et souvent l’engager sur la voie de la guérison. Poukine s’attaque à tous les fronts : comment annoncer la mort éminente à un patient en soins palliatifs, ou simplement aborder la sexualité avec une personnage âgée pour un jeune médecin, affronter la détresse d’un cancéreux au même titre que celle d’une collègue en burn-out, toutes les strates, toutes les difficultés collectives et verbales sont abordées sans détour avec une caméra à juste distance. Cette fameuse distance que chaque soignant mettra, par son expérience, des années à savoir établir, s’ouvrir, écouter, faire preuve d’empathie raisonnée, mais aussi se distancer, garder le cap professionnel pour ne pas se faire absorber, aimer son métier tout en sachant aussi s’en écarter. Que la frontière est rude et périlleuse à trouver, qu’il est facile de tomber dans la fausse vérité pour ménager la douleur, ou la violente froideur pour s’en débarrasser. Poukine touche juste en abordant frontalement ce travail quotidien et de fond du personnel soignant.
En résumé : Pertinent documentaire qui s’intéresse à la grande tare de la médecine moderne, la communication, et ce si délicat curseur à placer entre empathie et distance protectrice. 3/5
Sauve qui peut de A. Poukine
Sortie le 4 juin
JO 2024 : LE RENDEZ-VOUS DE L’ÉTÉ
Il y a un personnage à part, celui de Blandine, et sa diction singulière et attachante, son regard qui se perd, la tête perchée là-haut, pas vraiment rattachée au sol, et l’effervescence qui l’entoure, ces Jeux Olympiques de Paris 2024, la foule, l’excitation, la compétition. Et Blandine donc, au milieu de ce bordel organisé, qui cherche sa place, principalement auprès de sa demi-sœur qu’elle n’a pas vue depuis plus de 10 ans, un lien oublié et ravivé à l’approche de cette grande manifestation nationale. Puis il y a cette poésie du banal qui rappelle Sophie Letourneur, ce sens du décalage et du mot juste d’une autre Sophie, Fillières, et voilà que l’on invoque le haut du chapeau de la comédie française, la comédie de l’instant et du quotidien, naviguant dans le poétique lunaire tout en sachant poser les grandes questions qui fâchent (le refus de Blandine de se conformer dans la vie de couple et d’avoir des enfants). Il y a beaucoup de douceur, mais aussi de cruauté dans ce rendez-vous d’été, celui d’une femme de l’ailleurs, isolée, anticonformiste et donc condamnée in fine à la solitude.
En résumé : Modeste et tendre, on se laisse aller dans cette vague de poésie quotidienne qui fait place à l’individuel au milieu de la furie collective. 3/5
Le rendez-vous de l’été de V. Cadic
Sortie le 11 juin