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Y’a quoi au ciné ? – Tramadol, Libération et Observation

undefined undefined 24 juin 2025 undefined 13h00

Pierig Leray


Tramadol : ONCE UPON A TIME IN GAZA

Du Tramadol planqué dans les falafels, voilà la combine trouvée par Osama pour dilapider son stock de came auprès de la population gazaouie, bien couvert dans son échoppe de ville et soutenu par le jeune étudiant Yahya aux fourneaux. Puis tout bascule lorsqu’Osama se fait pincer par la police locale. Et comme rien n’est si simple dans Gaza, et que la corruption pullule, un flic souhaite s’immiscer dans le trafic. Mais rien ne se passe comme prévu, et là où cette comédie détournée suivait un fil narratif plutôt convenu, elle s’en détourne violemment lorsque l’histoire prend une tournure improbable et abstraite. Osama disparaît pendant que Yahya devient la star de la première série télévisée palestinienne dans le rôle d’un héros de guerre révolutionnaire. Et la fausse apparence anecdotique du film prend alors une toute autre tournure, là où le contexte de la bande de Gaza, au départ en simple image de coupe (avec des bombardements et des immeubles abattus), prend alors tout le cadre, il n'y a plus lieu de rire (si ce n’est là encore par le burlesque de sa conclusion), mais être impacté par la normalisation de la mort palestinienne, la destruction en habitude et l’élévation des morts en martyre. Les frères Nasser (prix de la mise en scène à Cannes cette année dans la sélection Un certain regard) touchent juste sans misérabilisme ou recherche de l’image choc, mais par un jeu de faux-semblants brillant.

En résumé : Il y a cette fausse comédie un peu barrée qui nous leurre et avance à visage couvert pour nous parler de la violence du contexte gazaoui, avec une intelligence remarquable. 3.5/5

Once Upon A Time In Gaza, des frères Nasser
Sortie le 25 juin


Libération : SOUS HYPNOSE

Qu’ils sont beaux, Vera et André, couple de jeunes trentenaires dociles et bien sous tout rapport, venus présenter leur start-up à un panel d’entrepreneurs lors d’une grande convention high-tech, leur nouvelle application semble vouloir révolutionner la santé féminine afin de mieux gérer grossesse, menstruations et diverses pathologies. Mais lorsque leur chemin semble tout tracé vers une implacable réussite, Vera vrille total. Après une séance d’hypnose pour tenter d’arrêter le tabac, elle n’est plus vraiment la même. Dans ce milieu socio-professionnel blindé de normes, où parler est pitcher, échanger networker, rire se forcer à le faire, Vera redevient l’enfant au milieu des adultes, une authenticité, une naturalité qui bien évidemment choque, et installe un merveilleux malaise ininterrompu durant tout ce week-end de mondanités vaniteuses. Et que c’est libérateur, réjouissant et souvent hilarant (jusqu’à cette scène finale exquise en milieu familial, mais attention, pas de spoiler) de voir Vera foutre un bon vieux kick dans cette fourmilière scandinave, tous plus coincés, cloisonnés les uns que les autres dans leur posture. De Geer trouve donc le savant équilibre entre la dénonciation et l’acceptation en pleine conscience d’appartenir à ce monde, et réussit avec intelligence un savoureux jeu d’autodérision.

En résumé : Dans la veine du cinéma scandinave qui sait appuyer avec plus (Trier) ou moins (Östlund) de talent sur le malaise social, ici l’on fête avec jouissance la libération du poids des règles établies. 4/5

Sous hypnose, de E. De Geer
Sortie le 25 juin


Observation : STRANGER EYES

Construit à son introduction par une forme relativement convenue et usuelle du thriller hitchcockien voyant s’opposer la victime (un jeune couple qui recherche sa fille disparue depuis plus de 3 mois) au coupable (qui dépose devant leur porte des DVD de leur vie intime en cours), Stranger Eyes va rapidement faire imploser cette frontière manichéenne pour faire naître dans un silence pesant une histoire de regard et d’observation, l’œil humain et technologique (par les caméras de surveillance) fusionnent, celui du chasseur et du chassé vont faire de même, la trame narrative en trompe-l’œil (cette recherche de l’enfant disparue) s’efface pour faire naître un tout autre enjeu, celui d’une filiation, une filiation maudite pourrie par le sens de l’abandon. Un vieil homme, un jeune homme, une jeune femme, une petite fille, si au départ tous les opposent, le parallélisme devient troublant, et par sa révélation finale, tout comme les regards fusionnant au début du film, c’est désormais le sens chronologique qui semble porter une harmonie révélatrice : le présent, le passé et le futur, tous désormais semblent à portée de regard et ne tracer alors qu’une ligne jointe vers un sens commun, celui d’un œil qui n’a plus le droit de se détourner de la réalité.

En résumé : Là où Stranger Eyes s’impose et se détourne du thriller conventionnel, c’est par sa mise à plat des points de vue, il n’y a plus de victime ni de coupable, mais une masse homogène, surveillée, scrutée, qui attend son heure . 3.5/5

Stranger Eyes de S. H. Yeo
Sortie le 25 juin