Caballero & JeanJass : Bruxelles sur les toits de Paris

undefined 14 mars 2019 undefined 17h00

Lucas Javelle

C’est au dernier étage de l’hôtel 1K, au bord de l’eau, que l’on reçoit deux phénomènes du rap francophone. Caballero et JeanJass, figures de l’ancienne nouvelle génération fraîchement débarquée de Bruxelles, profitent de quelques soupçons de vitamine D pour nous parler de leurs projets, de leur album sorti il y a quelques mois déjà, de leur passion pour le rap, de Zidane…

Entre deux tournées avec les potes (ils suivaient jusqu’à il y a peu Lomepal), les deux compères ont pris le temps, à l’occasion de leur passage au festival Chorus, de répondre à nos questions.


C’était pas trop long le voyage ?

Caballero : J’étais sur Paris déjà la semaine passée, on a suivi Antoine (Lomepal, ndlr) sur le J Tour.
JeanJass : Si tu demandes si Bruxelles – Paris c’est long, non, vraiment. C’est un truc qu’on fait tellement souvent. C’est même pas deux heures de train. 


Vous vous déplacez toujours en covoit’ ?

C. Naaan, c’est fini cette époque-là.

JJ. Mais on a donné beaucoup d’argent à Blablacar ! Surtout Caba. Ainsi qu’au taxi africain.


Une petite collab’ Blablacar x Caballero & JeanJass alors ?

C. (Rires) Non, quand même pas. Je n’ai pas envie de vendre ce genre de rêve-là

JJ. Niveau moyen de transport, je préférerais largement des planeurs écologiques. Ça c’est stylé.


Vous avez commencé chacun de votre côté, aujourd’hui vous êtes à deux. J’ai ouï dire qu’il était possible que vous repartiez un peu chacun de votre côté.

C. Je ne pense pas que le mot "séparation" soit de mise, parce que de toute façon, on travaillait déjà ensemble avant même de former cette union magique d’Avengers à deux. Pour le futur, ça sera exactement la même chose. Ça peut revenir au truc d’avant, toujours travailler ensemble pour certains projets mais plutôt des solos. Tout est envisageable.


Vous concevez que les gens aient du mal à vous imaginer l’un sans l’autre ?

JJ. L’un sur l’autre ? Moi aussi j’ai du mal à imaginer… (Rires) Oui, c’est normal je pense. Beaucoup de gens nous ont connu à travers le duo, certains même via High & Fines Herbes (leur émission weed et cuisine sur YouTube, nldr). C’est sûr, des gens seront un peu désarçonnés comme ça, mais je pense qu’on a par le passé prouvé qu’on avait chacun quelque chose à faire en solo aussi. Comme il l’a dit, depuis le début, on a toujours eu un regard sur la musique de l’autre. C’est simple, on travaille dans le même studio. Même si ce sont des morceaux solo, c’est aussi un travail d’équipe. 


© Naïs Bessaih

Sur DH3, vous étiez un peu plus sortis de cet "égo-trip" qu’on vous a collés. Chacun de votre côté, vous continuerez dans cette direction ?

C. En fait, tout ce qui est thème, de quoi on parle dans les CD’s etc… Il n’y a vraiment aucun calcul. On ne s’est pas dit dans Double Hélice 3  qu’on allait faire des choses réfléchies. Loin de là. On a testé de nouvelles choses, et on aime bien entendre que de l’un à l’autre, il y a quelque chose qui change. Sinon, ce n’est pas intéressant de faire tout le temps la même chose. Cette recherche continue de nouvelles choses "intéressantes", c’est ce qu’on veut.


Vous trouvez que le rap français aujourd’hui, c’est plus média que musique ?

JJ. Tout est plus média que le reste maintenant. Pas que le rap. Aujourd’hui, tu vends beaucoup plus ta personne, ton image, que ce que tu fais.


Le fame avant la qualité.

JJ. Ce que tu disais juste avant était encore plus précis. Avoir une image, ça a toujours été important mais aujourd’hui c’est primordial. Même le fait de cacher ton visage, c’est une image. C’est sûr qu’un mec comme Booba est devenu un média, pas juste un rappeur. Suivre Booba sur Insta, c’est comme si tu suivais un journal, c’est la même chose.


Vous pensez que c’est pour ça que Bruxelles a niqué le game ?

C. On répond quand même plus ou moins aux mêmes règles…

JJ. C’est difficile à voir, on vit ça de l’intérieur. Peut-être que ça a été ressenti comme ça parce que c’est le cas, mais il y aura toujours du bon partout. Les regards parfois se portent sur un certain point à un certain moment.


Vous vous intéressez à une musique plus électronique avec "Bae", plus club. Vous vous rapprochez un peu de l’électro ?

C. Pas vraiment.

JJ. Je t’avoue que ce morceau-là a été composé par Eazy Dew, le même qui a fait "Sur mon nom". C’est tout à fait différent. Ce bon vieux Hamza (l’artiste en featuring sur le morceau, nldr) est très fan – comme nous tous – de Michael Jackson. D’ailleurs il dit lui-même qu’il est le new Michael Jackson. En écoutant la prod’, on a retrouvé ce côté un peu classe comme Michael, et il a ressenti la même vibe. Ça fait juste partie des trucs qu’on aime bien, qu’on écoute de temps en temps, comme Anderson .Paak. Il y a toutes les influences musicales qui nous plaisent en ce moment.


Vous vous intéressez un peu quand même à la scène électronique, l’autre genre de cette décennie ?

C. Je ne m’y connais absolument pas… Zéro !

JJ. Je connais des gens qui en écoutent, et je sais qu’il y a des tas de trucs super chauds. C’est juste qu’on ne s’y intéresse pas. Il faut déjà se lever le matin et écouter tout ce qui sort sur WorldStarHipHop, Oklm… Ça prend un temps fou de faire ça.


Vous avez fait un titre qui s’appelle "Dégueulasse", on ne peut pas s’empêcher de penser à Paris. C’est volontaire ?

C. C’est universel, je pense. Ça te parle parce que c’est ton milieu, donc ça t’a fait pensé à ta société. Peu importe d’où tu l’écoutes sur Terre, tu vas plus ou moins ressentir la même chose.

JJ. On fait du rap universel.


Vous faites souvent la teuf à Paname ?

C. Pas trop, on l’a déjà fait.

JJ. Ça arrive parfois, quoi.


© Naïs Bessaih

Des lieux que vous aimez bien ?

C. Je connais Le Bourbon et Le Palace. C’est là où mes mutants parisiens m’emmènent, et je les suis.

JJ. Pareil, dès que j’arrive ici, j’ai des guides.


Si on imagine votre vie sans rap, ça serait quoi ?

C. J’aimerais de plus en plus cultiver de l’herbe. Je pourrais devenir un geek de la cultivation.

JJ. Investir dans un business légal de ce style-là, ça serait magnifique.


Et avoir une kush Caballero & JeanJass…

C. Ça arrive très vite ça, bientôt chez vous ! Ça va envahir le marché noir à grande vitesse. 

JJ. Comme la meth bleue d’Heisenberg dans Breaking Bad.

C. De la OG Cab’ et de la JJ Gold. Comme ça tu sais tout.


Vous compariez la trilogie Double Hélice à la triplette de Zizou en Champion’s League… Vous pensez qu’il va revenir ?

C. C’est forcément JJ qui a fait cette comparaison.

JJ. Je pense que oui, d’outre-tombe. Il n’est pas parti, il a juste pris quelques vacances. Il a tout réussi dans sa vie, à un moment il peut souffler. Soyons un peu indulgents avec lui. Il va revenir, entraîner une nouvelle équipe et tout gagner à nouveau.


Vous aussi ?

JJ. On ne sait pas encore quelle forme ça va prendre…

C. Mais ça va prendre des formes.

JJ. On fait des tas de morceaux, on en a une chiée. Il y a plein de projets qui se mettent en place. On n’a pas encore la forme du truc, mais ça va venir.

C. Ce n’est pas l’envie et la matière qui manquent, mon cher…


Lequel de vous deux est Zinédine ?

C. Lui. Moi je suis Guardiola. Il est OG, il est catalan et il a fait gagner le Barça plein de fois. Mon père serait fier de cette réponse, JeanJa.

JJ. Ton père va être ému en lisant cette interview.


© Naïs Bessaih

Si on imagine un onze de départ du rap game…

JJ. Ça va être dur…

C. En pointe, tu peux mettre un genre de Niska ou un Kaaris. Un patateur.

JJ. Tu mets Booba en numéro 10, on est obligé de lui laisser celui-là. Devant, il te faut un petit rapide, quelqu’un qui rap vite. (Rires) Nekfeu, il a des flows méga chauds parfois. Alpha, je sais qu’il joue. Kaaris, pourquoi pas au gardien. Il arrête toutes les punchlines.


Et vous, quelle position ?

C. Moi je suis observateur-rouleur. 

JJ. Il est soigneur. Dès qu’un joueur est mal au sol, il arrive, puff puff et hop il est guéri.

C. (Rires) C’est vraiment ça, frère. Je suis le médecin. 

JJ. Moi je suis sur le bord du terrain et je ne fais rien. Juste je crie des trucs. J’énerve l’adversaire et j’encourage mon équipe. Je fais le connard.


Est-ce que vos potes vous trouvent plus drôles à deux ?

JJ. Ah bah, en tout cas, tu peux demander à Lomepal : Caba c’est le divertisseur.

C. Je suis l’homme drôle de la situation, je fais rire toutes les meufs sans problème.

JJ. Et comme je passe toutes mes journées avec lui, je pense que ça fonctionne un peu aussi. Mais je ne suis pas aussi fort que lui. Je deviens meilleur de jour en jour à ses côtés.


Vous vous sentez meilleurs après avoir évolué toutes ces années ensemble ?

JJ. On a tous les deux un appartement maintenant, c’est déjà bien !

C. On est sorti du bourbier pour être dans le beau côté ensemble, donc c’est normal.


À la vie à la mort ?

JJ. Bah on va s’embrasser alors ! (Ils font mine de s’embrasser.)

C. Jamais, jamais ! Lui il peut mourir. Lui à la mort et moi à la vie. (Rires)


Caballero & JeanJass – Double Hélice 3
En concert au Festival Chorus le 7 avril
La Seine Musicale, Boulogne-Billancourt
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