Metronomy un jour, Metronomy toujours

undefined 21 octobre 2019 undefined 11h10

La Rédac'

Avec la bande de Joseph Mount, charismatique leader de Metronomy, cela fait plus d’une décennie que notre histoire d’amour a commencé. Précisément, depuis que sortait leur tout premier essai, le synthétique Pip Paine (Pay The £5000 You Owe). Alors, quand on a reçu leur dernier disque, que l’on a évidemment adoré, avec son nom tout trouvé pour notre love story, Metronomy Forever, autant vous dire que nous nous sommes hâtés d’organiser une rencontre pour en parler.

 
Ça a été chose faite une semaine après la sortie de cet album, au lendemain d’une soirée parisienne où nous croisions la troupe ; comme si tout était écrit. En bon capitaine de navire, c’est Joseph, seul et rieur, qui a répondu à nos questions.

 
Pour commencer, j’aimerais que nous parlions des retours que tu as eus pour cet album. La presse française a été cool mais pas forcément les Américains… Qu’en dit le public ?

Je n’ai pas vu beaucoup de reviews américaines, peut-être une… celle de Pitchfork. Mais tout le monde se fout de Pitchfork maintenant (rire). C’est intéressant… En termes de continents, nous sommes très populaires en Amérique du Sud et Centrale, mais en Amérique du Nord… C’est le seul pays du globe qui semble ne pas comprendre notre groupe, à l’inverse de la France par exemple. Pourtant, nous allons à New York, à Los Angeles… Nous avons donné de gros concerts dans toutes ces grandes villes, mais cet endroit est vraiment différent de la France encore une fois… Le public d’ici est le meilleur.

 
Tu accordes toujours la même importance aux critiques qu’avant ?

Non, plus du tout. Je crois que tout dépend du type de musicien que tu es. Tes premiers albums établissent en quelque sorte ta relation avec la critique, même si ces gens ne savent rien de toi et que tu ne connais rien d’eux. Quand tu lis toutes ces réactions, tu le prends de façon assez personnelle. Aussi, il ne faut pas oublier que le travail de ces “critiques” est de justement le faire (rire). Mais peu importe. Au bout de 6 albums, je pense quand même que les gens devraient avoir une certaine forme de respect. Un truc m’a toujours surpris… Quand tu regardes ce qui se dit dans un magazine ou sur le web, et que tu vois des choses négatives, tu te demandes : pourquoi ils s’ennuient à ça ? Mais, maintenant, à chaque fois que je traîne sur Internet, les reviews sont toutes notées de 4 ou 5 étoiles. C’est vraiment comme Uber : tu donnes à tout le monde la même note !


Le titre de ce nouveau disque, Metronomy Forever, est assez spécial. C’est comme si tu l’avais choisi pour montrer que Metronomy existe depuis un bout de temps, et existera encore longtemps. C’est l’idée ?

En quelque sorte oui. D’une certaine façon, ce titre est drôle, mais c’est aussi une espèce d’affirmation sur notre longévité. Tu sais, il y a cette attitude envers les musiciens ou les groupes qui veut qu’on trouve leur travail cool pour un court temps avant que celui-ci ne tombe dans l’oubli le plus total. Dans un sens, ça va, je crois que ça marche avec certaines personnes, mais je pense aussi que c’est un peu… triste, surtout quand tu consacres toute ton existence à ça. En tout cas, oui, ce titre évoque à la fois le passé et le futur. Il représente bien à quel point c’est stupide de dédier ta vie à un groupe de musique !


© Naïs Bessaih

C’est pour appuyer ce message que l’artwork du disque ressemble à quelque chose de très primitif, sans aucune trace de vie humaine ?

Oui, je crois. C’est marrant, car l’idée derrière ça, c’est de supposer que Metronomy existait même avant que les premiers hommes arrivent sur Terre (rire).


Cela fait 13 ans que votre premier album est sorti. Après tout ce temps, es-tu toujours le même homme ?

Je crois que oui. Il y a quelque chose de drôle là-dedans… Les gens, pendant toute leur vie, immortalisent leurs changements avec des photos qu’ils rangent dans des journaux intimes, ou que sais-je, pour ensuite les regarder avec une certaine émotion. De mon côté, j’ai toujours pensé qu’avec la musique, en plus de faire sensiblement la même chose en capturant tes moments d’inspiration, tu les rendais publics. Quand je me replonge là-dedans, oui, je crois que je suis la même personne, absolument… Mais, ce qui est important pour un jeune homme de 22 ans n’est plus du tout valable pour quelqu’un qui en a 37. Je suis toujours la même personne certes, mais les sujets des chansons ne sont plus les mêmes. Quand je les écoute, je ressens que je n’avais pas le même âge !


Parlons de cet album. Je trouve que c’est le disque le plus complet que vous ayez fait. “Lying Low” rappelle la période Pip Paine, “Walking In The Dark” renvoie à The English Riviera… Metronomy Forever représente-t-il tout le savoir-faire de Metronomy ?

Lorsque tu fais des disques, tu as toujours en tête ce que tu as fait avant et ce que tu peux faire après. Je crois que, quand je pensais à cet album, j’imaginais que je ramènerais tout ensemble, plutôt que d’essayer de faire un son particulier comme pour The English Riviera ou Love Letters. Oui, il y a des éléments de tout le reste, et oui, c’est agréable de rappeler aux gens les harmonies de Pip Paine ou autre. Tu sais, il y a un moment, j’ai pris la décision de chanter. Si je ne l’avais pas fait, Metronomy aurait eu un son fondamentalement différent. Quelque chose de plus instrumental… qui d’ailleurs m’intéresse toujours.


Le premier morceau que tu as écrit pour cet album, qui lui a d’ailleurs donné son titre, est “Forever Is a Long Time”. C’est une chanson aux antipodes des standards de la pop. Tu l’as réalisée volontairement dans ce style, comme pour mieux t’émanciper des étiquettes qui collent au groupe ?

J’ai d’abord enregistré une version de l’album qui ne m’allait pas, avant de tout recommencer. Et “Forever Is a Long Time” est la première chanson de cette deuxième version. Ça fait longtemps que je suis dans l’industrie musicale, et si tu ne t’intéresses pas aux rouages, tu es quand même au courant des ventes, des radios et de comment tout fonctionne… Malgré tout, tu deviens “institutionnalisé” et tu gardes ces choses en tête. Même si je ne pensais pas directement à ça quand je composais, je crois que dans mon subconscient, si. Les gens aiment l’honnêteté. Ils aiment sentir que ce qu’ils écoutent est vrai. Pour ce disque, j’ai plus résonné en termes d’ambiance et de mood, c’est pour ça que cette chanson est là.


© Naïs Bessaih

Ce disque laisse une place énorme aux contrastes. On passe de “Miracle Rooftop” très électronique et sans paroles, à “Upset My Girlfriend”, un titre aux allures grunge, quoique tourné un peu en dérision. L’enchaînement de “Sex Emoji” à “Walking In The Dark” marche aussi. Ce jeu des contrastes, c’est l’une des signatures de Metronomy ?

(Il hésite) C’est probable. Mais, si j’écoute tous les albums que j’aime, ils ne sont pas du tout pareils. Il y a effectivement des contrastes, mais c’est plutôt une question de dynamique finalement.


Avec cet album, tu as recommencé à jouer de la guitare. Sur “Insecurity”, on peut entendre une ligne assez grunge, ou de la guitare électrique sur “Lately”.

Ces instruments ont quelque chose de spécial dans la musique. Elles apparaissent puis disparaissent. Elles représentent différentes choses. Sur le moment, j’ai pensé que les guitares étaient toujours associées à une seule personne. Par exemple, Ed Sheeran en a une… Ou tu as… beaucoup d’Anglais les utilisent en fait (rires). Mais il n’y a pas énormément de groupes avec des guitares. C’est une sorte de réaction à ce que j’entends dans la musique. Je crois que nous vivons une période ou les grattes vont ressurgir, de différentes manières. Certains des sons qui s’en échappent peuvent réintéresser le public.


Autre nouveauté, ton utilisation de la Linn Drum. Au lieu de jouer d’abord avec une machine pour enregistrer live ensuite, tu as fait le contraire.

Dans l’histoire, cette machine a été très importante. Pour Prince par exemple. Elle possède certaines caractéristiques que j’aime beaucoup. Mais, je l’ai utilisée pour ramener une certaine cohérence dans l’album. Avant, il y avait beaucoup de samples et de choses différentes, et je crois qu’un album doit avoir un son cohérent avec ses instruments. Ce n’est pas que j’essaye absolument de faire un son différent, mais, quand tu as une idée de ce que tu veux faire et que tu fais un album avec ça en tête, le résultat est spécial. Plus que d’essayer de faire directement quelque chose de nouveau, il faut d’abord créer un concept et se laisser porter.


Cet album ressemble à un énorme terrain de jeu. Tu passes d’un titre très baggy, “Sex Emoji”, à quelque chose de presque dub, reggae, avec “Walking In The Dark”.

Quand je composais, je me répétais sans cesse : « pourquoi pas ? ». Quand tu fais un album, tu peux vraiment faire tout ce que tu veux. Et en réalité, j’ai réalisé que ça tient simplement du fait que c’est toi qui prends tes propres décisions. Et c’est très libérateur.


© Naïs Bessaih

Avec tout ce que vous avez fait, tu penses que vous faites partie de l’histoire de la musique anglaise ?

Oui carrément ! La chose triste avec ce que tu fais, c’est qu’il faut toute une vie avant que les gens réalisent ce que tu as accompli. J’ai rencontré des groupes, ou des gens qui ont été influencés par nous. Et, je crois que, quand tu es confronté à ça, que des personnes se réfèrent à ton art, oui, tu fais partie de cette histoire.