Le coronavirus fait un nouveau mort : la fête

undefined 6 mars 2020 undefined 15h30

Robert de la Chapelle

Yoyaku, Arcadium, tous les concerts de l’AccorHotels Arena jusqu’au mois de mai… Si vous étiez dans une grotte ces derniers temps et que vous n’avez pas eu de contact avec la réalité, on vous remet un peu les choses dans l’ordre : le coronavirus est en train de conquérir le monde en solitaire, semant la panique sur son passage. En France, on compte 423 cas recensés de contamination et 7 décès. Impressionnant pour certains, mais après calcul, cela ne correspond qu’à seulement 0,0006% de notre population, et la courbe de progression est loin d’être mirobolante, même si un pic en deux jours commence à sérieusement inquiéter le gouvernement. Et qui paye les conséquences des différentes mesures ? La fête.

 
Le coronavirus ou l’arrêt de mort de la fête

Qui dit rassemblement de plus de 5 000 personnes dit évènement annulé. C’est donc sans trop d’étonnement que l’on se retrouve à voir nos actualités submergées par les annulations de concerts, de festivals et autres évènements culturels type Salon du Livre ou Mondial du tatouage tant attendus chaque année. Mais dernièrement, l’État s’est attaqué à plus petit.

Mardi 3 mars, le label Yoyaku annonçait le report en juillet de son Airdrome, et même si les organisateurs ont tenté de revoir la jauge de l’évènement à la baisse, les autorités n’auront finalement pas cédé : trop d’étrangers attendus, trop de risque. Là encore, pas trop de surprise même si l’inquiétude commence à monter dans la tête des promoteurs de France et de Navarre.

Le véritable choc, c’est jeudi 5 mars, à l’annonce de l’annulation de Arcadium, prévu le jour suivant au Dock Eiffel, salle d’une capacité de 2 000 personnes. Pourtant bien loin des prérequis du stade 2 des mesures sanitaires gouvernementales (le fameux ratio de 5 000 personnes), la soirée n’a pas eu d’autre choix que d’annuler, pour des raisons "coronaviriennes" également.

 
Prôner le moindre risque pour profiter de la situation

Il va sans dire que le gouvernement n’a jamais été très friand de nos réjouissances nocturnes. Si les festivals prospèrent sur le paysage culturel national, les clubs et teufs ont plus de mal à se faire accepter : fermetures administratives, manque de soutien des autorités locales, une clientèle passionnée par l’usage de la drogue qui effraye le commun des mortels…

Certes, le coronavirus est une véritable menace pour ces évènements puisque la propagation peut y être fatale. Néanmoins, il nous semble tout de même, après témoignages de médecins et victimes à la radio, à la télévision et autres supports, que la panique semée n’a pas lieu d’être – tomber malade représente un danger particulier pour les personnes âgées ou les nourrissons, deux tranches d’âge qui sont bien loin de toucher l’univers de la fête.

Une fois de plus, la France fait preuve de répression, même si celle-ci n’est pas direct : privilégier l’hibernation et la solitude casanière aux rassemblements exutoires pour beaucoup d’entre nous. À l’heure où les manifestations ne s’arrêtent plus, l’engagement de la masse populaire augmente jour après jour et le besoin de liberté gronde dans le ventre de chacun, les mesures du gouvernement tendent plus vers isoler que rassurer. Ne sortez plus, ne vous parlez plus, ne vous amusez plus et surtout restez bien dans la crainte de mourir d’une grippe un poil plus agressive.

 
Demain, les clubs touchés ?

« D’ici une ou deux semaines, la phase 3 interviendra » annonçait un médecin reçu à l’Élysée. Cette mesure viendrait probablement perturber le quotidien des plus petits rassemblements, comme les transports communs… ou les clubs. Pour l’instant, ces derniers ne se sentent pas trop concernés. Interrogé par nos confrères de chez Tsugi, Dehors Brut répond sans trop d’inquiétude : « On vient de recevoir les recommandations de la préfecture de police, à destination du public, et nous comptons les appliquer. Pour le moment, elles ne sont pas trop contraignantes pour nous. » Les désistements d’artistes se multiplient, même s’ils sont loin d’être majoritaires. Pour un club comme le Petit Bain, le pire est à venir avec des moments « financièrement compliqués ».

La question que tout le monde se pose alors, c’est : « Jusqu’à quand ? » Si demain la plupart des clubs sont obligés de mettre la clé sous la porte pour une durée indéterminée, la fête va prendre un coup monstrueux et les frustrations vont monter bien plus vite. On imagine mal un Paris orphelin de We Love Green, la Peacock Society, du Macki, Rituel Days, Dehors Brut, le Rex Club… et toutes ces réjouissances qui nous sortent un peu de notre train-train quotidien. Mais si le COVID-19 n’est pas contenu rapidement et la politique de notre pays un peu mieux amenée, il semblerait bel et bien que la fête meurt très vite au profit de la terreur.