Le 1er septembre 2019, un jeune fêtard de 21 ans perdait la vie à Dehors Brut suite à la prise d’un ecstasy. Quelques mois avant déjà, l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) établissait un rapport montrant qu’un dérivé très dangereux de MDMA – le N-Ethylnorpentylone, communément appelé "ecstasy chinois" – circulait de manière prolifique dans les milieux festifs du monde entier. Une drogue qui, 3 fois plus forte que la MDMA, a provoqué près de 125 morts depuis 2016, toujours d’après le rapport de l’OMS.
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Les faits communiqués, une inquiétude générale prend forme. En France, si Bordeaux et Montpellier ont pu bénéficier aisément d’aides à la prévention, à Paris, l’analyse de produits reste peu proposée et pratiquée, malgré tout l’intérêt porté à la composition des substances consommées. Cependant, il existe de plus en plus d’associations soucieuses des prises de risque liées à la consommation de drogue, comme c’est le cas de Charonne-Oppelia ou encore de Techno+ qui a gagné il y a un an de cela le budget participatif annuel de la Mairie de Paris pour lancer son projet DrugTruck, un bus de prévention. Néanmoins, l’argument selon lequel la mise en place de prévention de drogues proposant des tests sur les terrains serait nocive demeure le même : il s’agirait d’encourager les jeunes à la consommation de drogues, voire même d’offrir un avantage marketing aux trafiquants.
Nous avons recueilli les témoignages anonymes de jeunes consommateurs, en posant la question suivante : « Analyser ton stupéfiant via le drug checking, est-ce te responsabiliser ou t’encourager à la consommation ? ».
« J’ai déjà testé mon produit via l'association Charonne à Paris, c'est gratuit et anonyme et pour mon cas ça ne m'entraîne pas à la consommation régulière, parce qu’on connaît tous les risques sur le long terme. Mais je me sens plus sereine au moment de la consommation », affirme une première jeune fille, tandis qu’un second explique : « En fait, le test te conforte dans l'idée de prendre, donc oui ça peut appuyer ta décision de consommer, mais ça ne pousse pas à consommer directement (…) on ne peut pas vraiment dire que ça encourage. Encourager la consommation ça serait de dire "la drogue c'est cool, vas y prend". Là le discours ça serait plus "la drogue ça peut être dangereux, si tu veux le faire quand même, fais-le bien" ». Puis un troisième d’ajouter : « Je pense que permettre aux fêtards de tester ces substances en particulier c'est déjà les éduquer et leur permettre de faire ça dans de bonnes conditions. Quoi qu'il arrive, les gens se droguent, donc autant sensibiliser et faire ça safe, puis au moins ça évite une mauvaise réaction à la drogue liée au stress d’un bad ! ».
Des avis pour le moins tranchés, qui semblent ainsi donner raison à ces dispositifs. Nombreux sont ceux qui rendent visite à des associations, ou qui se procurent des kits afin de tester leurs drogues à la maison. Mais ces kits, c’est quoi au juste ? « Le fonctionnement est simple : une dose du produit à verser dans l’ampoule et il y a une réaction chimique avec un réactif d’identification qui colore le produit. Ensuite tu t’en réfères à la légende d’un papier qui t’es donné, pour identifier si la substance recherchée est présente dans l’échantillon », nous explique un usager.
Néanmoins, pour certains de ces tests vendus en kit, des imprécisions persistent : « Le gros bémol avec le drug checking, c’est que ça réagit avec la molécule ciblée mais pas avec les autres produits de coupe, or ce sont ces produits qu’il faudrait pouvoir distinguer pour les identifier et évaluer leur dangerosité. Par exemple, si on prend un ecsta chinois à 0 % de MDMA, il n’y aura aucune réaction chimique donc tu sauras juste qu’il n’y pas de MDMA dans ton produit. S’il y a 15 % de MDMA et 85 % de mort au rat, ta solution va tourner au noir (marqueur MDMA) donc ça veut dire qu’il y a bien la présence de MDMA dans ton cachet, mais tu ne sais pas en quelle quantité et surtout tu ne sais pas quels sont les 85 % du reste du cachet. Du coup ce n’est pas un gage de sûreté. »
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Ainsi, le danger demeure, ce qui devrait nous pousser à trouver une solution plus prévenante. Sans oublier qu’aucune réaction, qu’elle soit positive ou négative, ne peut indiquer qu'une pilule est sans danger. Aucune utilisation de drogue n'est sûre à 100 %, c’est pourquoi il est important de limiter sa consommation.
Cette solution de drug checking semble cependant rester l’une des meilleures solutions, notamment si elle se multipliait sur les terrains de fête, dont l'analyse serait alors accompagnée d’une équipe formée en réduction des risques. Elle permettrait une prévention bien plus efficace, comme le souligne Grégory Pfau, coordinateur du programme XBT chez Médecins du Monde, qui souhaite adopter une démarche éducative : donner le résultat à la personne, certes, mais surtout échanger avec elle pour protéger sa santé au maximum, quels que soient ses choix.
Médecins du Monde travaille d’ailleurs sur une méthode plus précise, basée sur la chromatographie sur couche mince (dit CCM) qui permettrait de séparer les différents composants d'un produit et ainsi de détecter des substances nocives. « L’analyse de drogues permet non seulement d’informer les personnes usagères sur les contenus réels des produits, mais aussi de bénéficier d'entretiens personnalisés sur les risques », déclare le Dr. Philippe de Botton, Président de Médecins du Monde, à ce sujet, avant de continuer : « Les pouvoirs publics doivent engager des moyens financiers conséquents et pérennes pour assurer un accès effectif à cet outil. Ensemble, rendons la nuit plus safe ».