La saison des festivals 2020 n’a jamais été aussi triste. Décimée par la pandémie du Covid-19, les organisateurs de festivals ont presque tous été forcés d’annuler leurs évènements. Pour la grande majorité, les festivals se sont réinventés dans des modèles virtuels, bien loin de la chaleur festive qui fait normalement l’essence principale d’un festival.
Si la plupart des organisateurs prévoient tout de même leur événement pour cet été, beaucoup ont un avis concordant : les festivals ne sont pas prêts de revenir avant 2022, voire même 2023. Et ce malgré les scanners thermiques, les bracelets interactifs qui vibrent à chaque manque de distanciation ou encore les tests rapides sur place envisagés par les festivals.
Supersonic, Coachella, Lollapalooza, Hellfest, Glastonbury... l'anxiété règne
Pour Lisa Meyer, fondatrice du festival Supersonic à Birmingham, l’été prochain ne sera qu’un « retour progressif » pour les événements, avec encore beaucoup de modèles en digital. Pour elle, pas de retour à la normale avant 2022 ou 2023. Elle a également précisé au média Urban Fusions que sans un retour à sa capacité normale (eviron 1 500 participants) d’ici deux ans, ce serait « définitivement la fin de Supersonic ».
Du côté de Coachella et de son édition 2021, les nouvelles ne sont pas bonnes non plus. Si le festival, qui devait initialement se tenir en avril, a finalement annoncé son report à octobre 2021, une "source" a avoué au magazine Rolling Stone qu'elle ne serait « pas étonnée » si Coachella était carrément repoussé en 2022, à cause des trop grosses difficultés sanitaires actuelles.
Interrogé par le Figaro, Ben Barbaud, patron du Hellfest, s’inquiète également de se lancer vainement dans l’organisation laborieuse de son festival. Entre licenciements massifs, CDD non renouvelés, booking annulés et report constant des dates, les organisateurs ont de quoi se tirer les cheveux de la tête : « On nous considère comme des saltimbanques, mais nous sommes des employeurs qui rapportent des dizaines de millions d'euros sur nos territoires. Nos concerts où se produisent des stars internationales mettent des mois à s'organiser », rapporte Ben Bardaud à Pure Break.
Maryline Lair, directrice du collectif des festivals qui réunit une trentaine d'événements bretons, s’est également confiée à Ouest-France. « On parle d'un retour à la normale en 2022, voire 2023, est-ce que tout le monde va garder la même énergie ? On a une responsabilité dans l'accompagnement… », s’est-elle inquiétée après avoir précisé que « certains vont arrêter, se reconvertir. On risque de perdre des compétences. »
Jean-Yves Cavin, directeur du Cully Jazz Festival, a également dû annuler son édition 2020. Désarmé, il rapportait à RTS que « faire venir plusieurs dizaines de milliers de personnes au même endroit en quelques jours c'est quelque chose qui n'est pas envisageable pour avril prochain. C'est quelque chose qui n'est certainement pas envisageable pour 2021 sur l'entier de l'année. »
Même son de cloche pour Michael Eavis, fondateur du Glastonbury. Son mythique festival pourrait en effet ne pas revenir avant 2022 : « J'espère toujours que l'on pourra le faire l'année prochaine et je vais remuer ciel et terre pour être sûr que nous le ferons. Mais ça ne veut pas nécessairement dire que ça aura lieu. » Marc Geiger, co-fondateur de Lollapalooza, a également précisé que « les six prochains mois pourraient être plus douloureux que les six mois précédents et peut-être que les six mois suivants le seront encore plus ».
2021, le cataclysme
Pour tous et toutes, la perspective d'une année 2021 sans reprise des grands concerts debout et des festivals sera « un véritable cataclysme » pour le monde culturel et le monde événementiel. « Un festival s'organise des mois, voire une année à l’avance. Et plus on avance dans l'organisation sans avoir la certitude de réaliser le festival, plus l'impact et les conséquences d’une annulation peuvent s'avérer dramatiques », clamait Antonin Rousseau, directeur de Festi'Neuch. Comme une très grande majorité des organisateurs de festival, il a péréfé annulé totalement son édition 2020 et ne pas la reporter tant que la suite n’est pas claire.
Et pour cause, les risques seraient trop grands : dans son ordonnance sur le coronavirus, l'État ne prévoit en effet aucune indemnisation si le festival est annulé au dernier moment, même pour raison sanitaire, et donc involontaire. À cela, Jean-Yves Cavin s’exclamait auprès de RTS : « C'est au-delà du risque entrepreneurial. C'est-à-dire que l'État délivre une autorisation et peut l'enlever à n’importe quel moment. Du coup, on ne peut pas avoir confiance dans la parole de l'État. Comment est-ce qu'on peut travailler dans ces cas-là ? »