Des flics en civil avec leur pistolet, bientôt dans tes soirées préférées

undefined 22 mars 2021 undefined 13h10

Robert de la Chapelle

Coup de massue pour le monde de la nuit. Jeudi 18 mars dernier, le Sénat a autorisé l’article 25 de la loi sécurité globale, qui autorise les forces de l’ordre à pénétrer dans un établissement recevant du public, armés et en dehors de leurs heures de service. À 214 voix contre 121, les sénateur.ice.s viennent de tirer une balle dans le dos des organisateurs d’évènements et autres promoteurs, propriétaires de clubs et de bars. Et comme chaque texte de loi et autre tribulation politique, on se doit de préciser : ce n’est quand même pas aussi simple.

 
Une nouvelle législation pas si différente d’avant

Le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin a tenu à remettre les choses dans leur contexte en se référant aux lois déjà présentes depuis longtemps concernant les forces de l’ordre : « Les policiers nationaux peuvent déjà, en demandant l’autorisation à leur hiérarchie, rentrer chez eux avec leur arme de service. » La différence avec l’article 25, c’est qu’ils pourront ainsi se déplacer encore plus librement avec leur pistolet, qu’ils soient en service ou non, jusqu’à pénétrer dans l’enceinte d’établissements privés à leur bon vouloir – que le propriétaire leur refuse l’accès ou non.

De son côté, le président centriste de la commission de la Culture, Laurent Lafon, regrette que « l’article concerne tous les établissements recevant du public, ce qui couvre des réalités très différentes en termes d’équipements ». Et on le comprend : sont concernés les cinémas, les théâtres ou les salles de spectacle, mais aussi les équipementiers sportifs, les établissements scolaires ou les lieux de culte. À deux doigts de faire le parallèle avec les États-Unis, Lafon rappelle : « Ce n’est pas anodin de porter une arme. Quel sentiment éprouverons-nous en voyant une personne en civil qui porte une arme ? Restez-vous assis en attendant la fin de la séance de cinéma ? »

 
Un pas de plus vers l'intrusion dans la fête

Ce n’est malheureusement pas à coups de pathos que le bellâtre aura réussi à faire changer d’avis un Sénat déterminé. Si la majorité a décidé de suivre les recommandations de Gérald Darmanin, nombreux.ses sont celleux qui ont suivi l’avis général d’un peuple jeune, désabusé et en colère. « Rien ne prouve qu’un policier armé puisse améliorer la sécurité, explique le sénateur écologiste Guy Benarroche. Il faut sortir de cette logique simpliste. […] Ce dispositif appartient au renforcement de l’illusion sécuritaire. » Le sénateur PS Jérôme Durain rappelle le danger pour les civils comme le policier : « Une arme, ça tue, et ça tue notamment ceux qui l’ont. »

Malgré les mises en garde multiples et les demandes de d’amendements de suppression de la gauche et des centristes, le texte est finalement bien adopté sans aucun à 214 voix contre 121 – on ne comptera qu’une dizaine d’absent.e.s à cette séance. On espère que cela ne deviendra pas une bonne excuse pour saisir les lieux de fête, les entrepôts et autres clubs pourtant légaux, mais souvent pointés du doigt et persécutés par les forces de l’ordre. Si l’amendement Mariani continue d’être la bête noire de la teuf, cet article 25 risque de poser encore plus de problème, avalant sur son passage toute forme proche ou éloignée de divertissement.