Le cocktail est-il un truc de connard prétentieux ?

undefined 27 février 2020 undefined 10h46

Lisa B

9 heures du soir. Tu retrouves ton date dans un bar et vient l'heure de commander. Tu penses commencer à celler votre complicité en trinquant à la Beaufort, mais soudain, tout s'effondre. "Un cosmopolitain, s'il vous plaît", lance votre acolyte d'un ton mielleux au serveur. La déception, elle, vient innonder tes tripes encore plus vite que la pinte que tu comptais t'enfiler. Ca ne va pas être possible. Non, vraiment, ça ne va pas être possible.

Pour 1001 raisons, le cocktail, est, parmi toutes les boissons (même Cacolac, kir framboise et jus de carotte réunis), celle qui semble la plus rédhibitoire. Pour lutter contre cette tendance frénétique du cocktail, tu serais même prêt à vivre encore un peu avec ta solitude. Déjà, parce que le cocktail pseudo créatif proposé par les bars coûtent 15 balles en moyenne. Davantage encore si tu te rends dans un bar spécialisé. Tu n'es pas prêt(e) à dater quelqu'un qui débourse ce prix pour un mélange de flotte, de sirop et de glaçons. Tu ne dates pas les pigeons. Tu n'es pas dupe, l'effet marketing de noms compliqués du genre "fleur rouge du Mexique" ou "baiser rose de Tahiti" n'a pas eu d'effet sur toi. La sensation d'exotisme, t'es peut-être un peu fataliste, mais tu le sais : tu ne l'auras pas à Paris dans un rade de quartier même ultra-boboisé.  

Mieux vaut boire un cocktail et être pauvre que boire une bière et être riche 

Ensuite, dans le cocktail, tu en es convaincu : c'est l'esthétisme qui prime sur l'épicurisme. Il y a tout un imaginaire guindé qui régit le monde du cocktail. On ne boit pas un cocktail pour se bourer. Un cocktail, on en boit un car c'est joli. On le déguste. C'est un accessoire. Le poid des apparences pèse lourd sur les consommateurs des cocktails. Un peu comme quand tu portes des talons et une belle robe et que du coup tu te sens obligée de bien te tenir. C'est la boisson qui veut ça : elle instaure un truc pas fun, un truc de mec qui garde le contrôle, qui se tient droit, et qui n'est pas chaud du tout pour se la coller. De toutes manières, vu le prix, mieux vaut ne pas avoir l'intention d'en prendre 10


Si ton rejet est si prégnant, ne serait-ce pas aussi car le cocktail te renvoie à ton propre formatage ? L'alcool, un peu comme tout, est un marqueur social. La bière veut dire : je suis cool, jeune, j'ai pas trop de tunes, éventuellement j'aime le goût. Le vin, en fonction de la couleur, peut vouloir dire plein de trucs : je suis un épicurien, je suis un pochtron, je suis un quarantenaire. Le cocktail dit irrémédiablement : je suis un jeune adulte CSP+ urbain en costard et possiblement prise de tête. T'as au moins ça : t'es pauvre, mais pas prise de tête.

Sache néanmoins - et la théorie vaut pour toi ou pour ton date - que rien ne vous empêchera d'être des connards. Vos looks, vos manières de mêler le français et l'anglais dans vos phrases mine de rien, votre véganisme, vos recettes sans glutten, vos selfies stick, vos boissons de prédiléction, rien. Bon courage quand même et à la votre !