Chronique de fumoir : ces gens lourds le temps d\'une clope

undefined 9 septembre 2016 undefined 00h00

Agathe

Griller une clope ou se faire fumer, la mesure est souvent difficile à trouver. Alors que la nécessité de s’injecter sa dose clinique de nicotine se fait ressentir, l’endroit qui s’y prête le mieux est également l’abysse la plus insupportable sur terre. Bienvenue dans le fumoir. 


Un fumoir, par définition, dispose d’une surface habitable de 6 m2 loi Carrez, d’une ventilation cassée et d’une population agitée. Voilà l’endroit parfait pour faire de nouvelles rencontres et donner un second souffle à sa nuit. 

A peine le temps de dessiner quelques volutes de fumée sans encore éprouver le sentiment d’être un saumon d’élevage en période de fêtes que tu seras accosté 32 fois par divers inconnus, peu importe l’empressement que tu mets à vouloir te fondre dans le décor.

Condensé d’êtres vivants dégoulinant d’affections énervées, nous dresserons ici l’échantillon-type des acteurs de ce speed dating de l’extrême dans lequel tu viens de te lancer. Les noms ont tous été modifiés, toute ressemblance quelconque ne découle pas de notre responsabilité. 


LES RELOUS (ALCOOLISÉS) :

La première personne sur laquelle ton regard se trouve forcé de se poser est la meuf trop bourrée qui fait chier tout le monde à 10 mètres à la ronde. La meuf trop bourrée parle fort, crie même, par nécessité d’existence, et chancelle sur place. La pauvre fille est en plein drame personnel, ce qui l’empêche de se rendre compte qu’elle t’a déjà asséné 12 coups de coude et de comprendre que ton espace vital a tout autant d’importance que le sien, si ce n’est plus. Si, par mégarde, l’envie te prend de lui demander de se décaler, c’est un torrent de rage qui l’envahira. Oui, la meuf bourrée, en plus d’être malpolie, est une incroyable connasse insortable. Sa bêtise s’abattra sur toi et c’est à coup de videur exténué que l’incident prendra fin. Ce portrait est parfaitement transposable au masculin, bien sûr.


LES TAXEURS POTS-DE-COLLE :

Le bruit, la surpopulation et l’épaisseur du nuage cancérigène qui t’entoure sont déjà éprouvants. C’est bien pour cela qu’un insupportable taxeur de clope et/ou briquet vient à toi pour finir de t’enterrer. C’est le 15e à tenter sa chance ces trois dernières minutes, sauf que celui-ci a décidé de te taper la discut’ histoire de donner une dimension humaine à ce parasitage invasif. C’est un pot-de-colle, un sans-ami sans intérêt. Il est là, il est chiant et tu ne sais plus trop de quelle manière t’en débarrasser sans l’insulter. Cette personne tente vainement d’embrayer des discussions sans fond et tout le monde semble se rendre compte de la gêne occasionnée, sauf lui. Il y a de fortes chances qu’il soit venu seul à cette soirée ou que ses amis aient enfin réussi à le semer. Dans tous les cas, ce sombre personnage est maintenant sous ta responsabilité. Voici le genre d’expérience qui t’amène à prendre comme résolution d’arrêter de cloper, définitivement.


LE DRAGUEUR INSATIABLE :

Dans la majorité des cas, le dragueur insatiable est un taxeur pot-de-colle. S’il s’agit d’un mec, cet individu fait partie de la pire race. D’un courage à toute épreuve, le type t’as accosté de la moins subtile des manières : en te demandant une indication, une clope, un briquet, un kleenex ou encore en prenant part à ta discussion sans que qui que ce soit ne l’ait sonné. D’une lourdeur internationale, le mec pense être original dans sa démarche et jouit d’une multitude de punchlines grasses. L’angoisse. Il est extrêmement difficile de se dépêtrer de ce genre de crève-la-dalle, il est alors préférable d’avoir des copains bien bâtis ou des copines grandes gueules. Manquerait plus que ce soit un frotteur.

Dans le cas féminin, la démarche reste sensiblement la même, à quelques révérences près. Si l’entrée en matière est moins brutale, c’est généralement sur les nerfs de ses comparses du même sexe qu’elle tapera. Rien de plus chiant qu’une grognasse en chaleur qui ne comprend pas qu’elle doit dégager.


LE MILITANT POLITIQUE :

Cette personne avait l’air viable. Rien ne laissait supposer qu’il aurait mieux valu fuir à toutes jambes lorsqu’elle a fleuri dans ton paysage nocturne. Apaisé, drôle et digne d’intérêt, tu étais loin de soupçonné le monstre qui se cachait derrière cet individu : un militant politique, un relou aux grandes théories novatrices qui, passé deux grammes, essaie d’enrôler tout ce qui bouge pour un monde meilleur. Le genre de personne qui braille plus fort que les autres pour exprimer son point de vue, anarchiste ou républicain, peu importe la véracité de ses arguments. 


LE TEMOIN DE JEHOVA :

Jumeau bien-pensant du militant politique, le témoin de Jehova clame la bonne parole dès qu’il le peut. Peu importe sa confession, cet illuminé connaît mieux les textes religieux que personne. Il a lu la Bible, le Coran, la Thora, le dictionnaire et Martine à la plage. Personne n’aura jamais raison face à lui. Si ancré dans ses convictions, lui parler ne présente aucun intérêt. Voilà quelqu’un avec qui la pose clope se transforme en débat stérile duquel il est impossible de se tirer. Le fumoir manquait déjà cruellement d’air, il est temps de s’en aller.

Le pire scénario reste lorsque deux témoins de Jehova d’horizons différents se rencontrent ou lorsqu’un militant politique s’immisce dans la mêlée. Tu serais presque tenté de prendre part à cette masturbation intellectuelle collective, si seulement tu n’avais pas fini ta clope depuis 15 minutes. 


LE DEALOS TOUS PUBLICS :

« Salut, tu veux de la D ? » Sous ses airs de fils de bonne famille grimé en roi de la ride, ce jeune homme va de groupe en groupe à la recherche de clients potentiels. Lui-même à moitié convaincu de sa démarche, son périple dans le fumoir consiste à se prendre des vents. Il s’infiltre donc tel un ninja en hoody à tes côtés pour faire sa proposition fallacieuse de peur de se faire repérer. Le fumoir c’est son gagne-pain, son game, sa street.

Il existe également en version vieux dégueu chelou et particulièrement insistant. Celui-ci pue le GHB, c’est à tes risques et périls de supporter sa compagnie.


CEUX QUI SE FONT L’AMOUR DEVANT TOUT LE MONDE

Littéralement, devant tout le monde, si ce n’est même sur toi. Ces deux personnes te dégoûtent, leurs bouches se bavent dessus, l’un chevauche l’autre et tu ne sais plus bien à quel moment les concepts de respect et de dignité ont quitté l’humanité. Vomir, voilà ce qu’il te reste à faire. Rien de plus embarrassant que deux cheums bourrés qui se chopent en public, dans un fumoir.


Voilà une chronique de fumoir dont le champ des possibles reste ouvert. Nous oublions sûrement certains profils inlassablement liés à cette boite à chaussures goudronnée. Mais, partant du principe qu’ils font tous partie de ces grands groupes, le constat reste intact.