Techniques de ninja pour s'incruster à un after

undefined 26 février 2016 undefined 00h00

Agathe

Tes amis se sont tous volatilisés, le soleil se lève et tu ne souhaites pas rendre les armes car l’envie d’étirer ta nuit jusqu’à épuisement total t’anime vigoureusement. Voilà ce que tu vas faire pour prolonger ta course.

Il est 7h, les videurs te claquent la porte au nez mais ton foyer sent la chaussette moisie. L’idée même de t’écraser seul dans ton vieux clic-clac déglingué ne t’émoustille pas des masses. Tu n’es cependant pas le seul à qui l’on force la main, aussi est-ce un instant propice à taper l’amitié au premier venu.

Plusieurs petits groupes s’agglutinent naturellement dehors, à toi de te rapprocher de celui qui t’inspire le plus confiance et dont les visages souriants puent la cocaïne bon marché. A cette heure-là, écrasés par la fatigue et l’usage de substances frelatées, "tout le monde c’est tes super copains". Ça se claque volontiers une bise sans connaître son identité, mais prends garde à ne pas trop te frotter à ceux qui ont l’alcool mauvais. Un mot plus haut que l’autre ne pardonne pas dans cet état, je dis ça pour la sauvegarde de ta jolie frimousse usée.

Ce petit monde s’active pour élaborer la suite. Dans un mouvement bigarré, les uns rentrent chez eux pendant que les autres décident de squatter chez Truc-Machin qui paye son chaleureux 15 m2. C’est à ceux-là qu’il faut se ventouser.

Tu vas te faufiler dans leur taxi avec un naturel appliqué. On pourrait presque croire que c’est toi qui fédère le convoi. En route, tu papotes avec tout le monde, te trouves des points communs et débordes sur la vérité pour renforcer ta légitimité. « Tu me l’as déjà dit quand on s’est croisés tout à l’heure mec ! » ou encore « Incroyable cette nana moi aussi je la connais ! »  sont, par exemple, des accroches-clés qui mettront tout le monde en confiance.

Te voilà désormais établi chez Truc-Machin, mais 15 m2, ce n’est franchement pas immense alors on remarque vite que ton faciès ne fait pas partie de la banque de données. Tu auras beau essayer de te fondre dans le décor, ça ne prendra pas, alors scotche-toi aux gens que tu viens de rencontrer, comme ça si on te demande, ce n’est pas de ta faute, c’est eux qui t’ont incrusté (de force).

Autour de toi, tout le monde est éclaté donc il suffit d’être lisse pour être bien apprécié. Ne te perds pas à raconter des vannes vaseuses qui ne feront rire que toi, le détail pittoresque de ton intimité ne fait pas non plus l’objet d’un sujet bienheureux. Tu peux effleurer l'excentricité pour marquer ta plus-value, mais surtout plie-toi en deux à la moindre blague de merde parce qu’un bon public flambant neuf ça plaît à tous les coups.

Le meilleur moyen pour ne pas avoir l’air chelou, c’est de ne pas hésiter à participer. Si vous être à court de fuel, t’as pas intérêt à te défiler. Déjà que tu ne connais personne, ce serait franchement malpoli de faire ta radasse pour 5 balles. L’after est un effort de groupe, y’a pas la place pour les assistés.


Tu as enfin réussi à t’imposer. Tout se passe plutôt bien, c’est l’opportunité de faire de nouvelles rencontres et de t’inventer une vie histoire de donner du cachet à ton aventure. Il faut seulement que tu gardes en tête que tu n’as pas le droit de t’y endormir. Fermer les yeux chez des inconnus c’est prendre le risque de se réveiller intégralement dépouillé au milieu d’un terrain vague. T'es peut-être un pervers sans ami, mais tu mérites tout de même une mort heureuse.

Au final, parasiter un after c’est s’offrir un quart d’heure "Koh Lanta" de désœuvré joyeux. L’épreuve des poteaux au milieu d’une bande d’inconnus prêts à te foutre à l’eau à la première incartade. Même si tu perds, ce n’est pas grave, c'est pas ce qui manque les camarades de défaite. Dans tous les cas, ça te fait une anecdote à raconter, et rien que pour ça, t'es un ninja certifié.